Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/169

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combattre vaillamment, quoique entouré et presque accablé par le nombre, Roland, disons-nous, ne put se retenir plus long-temps. « Woodcock, s’écria-t-il, si vous êtes un homme, dégainez ; et joignons-nous aux Seyton. »

Sans attendre de réponse, et sans écouter les instances du fauconnier, qui le suppliait de ne pas se mêler d’une dispute où il n’avait aucun intérêt, le fougueux jeune homme s’élança de son cheval, mit l’épée à la main, et criant comme les autres : « Seyton ! Seyton[1] ! » se précipita dans la mêlée, où il abattit un de ceux qui poursuivaient de plus près le chef dont il avait épousé la cause. Ce secours imprévu ranima le parti plus faible, qui se mit à renouveler le combat avec plus d’ardeur. En ce moment, quatre des magistrats de la ville, qu’on distinguait à leur manteau de velours et à leur chaîne d’or, s’avancèrent avec une garde de hallebardiers et de citoyens armés de longues épées. Ces hommes, habitués à ce genre de service, se précipitèrent hardiment en avant, et forcèrent les combattants à se séparer : ceux-ci se retirèrent immédiatement de différents côtés, laissant sur la rue les blessés qui avaient été mis hors de combat dans la mêlée.

Le fauconnier, qui s’arrachait la barbe de colère en voyant la témérité de son compagnon, s’approcha de lui avec son cheval qu’il avait saisi par la bride, et l’accosta en lui disant : « Monsieur Roland, monsieur l’oison, monsieur tête folle, vous plaira-t-il de remonter à cheval, et de vous mettre en marche ? ou voulez-vous rester ici pour être conduit en prison, et répondre des œuvres de cette belle journée ? »

Le page avait commencé sa retraite avec les Seyton, comme s’il eût été un de leurs alliés naturels : il suffit de cette question peu cérémonieuse, pour lui faire sentir qu’il venait de jouer le rôle d’un fou ; il obéit donc à Woodcock avec un sentiment de honte, s’élança vivement sur son cheval ; renversant d’un coup de poitrail de l’animal un officier de la ville qui s’avançait vers lui ; il descendit la rue au galop suivi de son compagnon, et se trouva promptement hors de la portée des clameurs et des cris. Des rencontres de ce genre étaient si communes à Édimbourg à cette époque, qu’elles excitaient rarement beaucoup d’attention une fois le combat terminé, à moins que quelque personnage d’importance n’eût

  1. Ici Roland joue sur le mot Seyton, qui a le même son que set on, c’est-à-dire en avant.