Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/166

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La mémoire de cette catastrophe était si récente, que le page détourna les yeux avec horreur des ruines où elle s’était passée ; et la tristesse que lui causèrent les accusations contre la reine, auxquelles cet événement avait donné naissance, succéda à la compassion qu’il avait commencé à ressentir pour sa triste situation actuelle.

Ce fut dans cet état d’agitation d’esprit, causé en partie par l’horreur, mais plus encore par l’intérêt et par une vive curiosité, que le jeune Græme traversa la scène de ces événements terribles, dont le bruit avait troublé les solitudes les plus lointaines de l’Écosse, comme les échos du tonnerre éloigné roulant au sein des montagnes. « Maintenant, pensait-il, maintenant ou jamais, je vais devenir un homme, et remplir mon rôle dans ces événements que les simples habitants de nos hameaux se rappellent l’un à l’autre, comme s’ils avaient été produits par des êtres d’une nature supérieure à la leur. Je vais savoir pourquoi le chevalier d’Avenel lève la tête si fort au dessus des autres barons ses voisins, et comment il se fait que des hommes, par leur valeur et leur sagesse, passent de la casaque de toile grise au manteau d’or et de pourpre. On dit que je ne me fais pas remarquer par ma prudence : si cela est vrai, le courage doit la remplacer ; car je veux être un homme parmi les hommes, ou un mort parmi les morts. »

De ces plans d’ambition il détourna ses pensées vers des projets de plaisir, et il se mit à former quelques conjectures sur le temps et le lieu où il reverrait Catherine Seyton, et sur la manière dont il renouvellerait connaissance avec elle. Il se plaisait à de telles rêveries, quand il remarqua qu’il était entré dans la ville : tous les autres sentiments furent suspendus en lui par l’espèce de vertige dont est frappé l’habitant d’un pays solitaire, lorsqu’il se trouve pour la première fois dans les rues d’une cité vaste et populeuse, c’est-à-dire une simple unité au milieu de tant de milliers de personnes.

La principale rue d’Édimbourg était alors, comme aujourd’hui, une des plus spacieuses de l’Europe. La hauteur excessive des maisons, la variété des pignons, des créneaux et des balcons gothiques qui terminaient de chaque côté l’horizon, tout cela, joint à la largeur de la rue, aurait pu frapper de surprise des yeux plus exercés que ceux du jeune Græme. La population, étroitement resserrée dans les murs de la ville, était alors augmentée par la quantité de lords du parti du roi, rassemblés à Édimbourg pour