Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/165

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son fils ait la direction de tout. Mais Murray ne la laissera jamais en liberté, il la connaît trop bien. Écoutez-moi, nous nous rendons à Holy-Rood, où vous trouverez abondance de nouvelles et quantité de courtisans pour les raconter ; mais suivez mon conseil, et reprenez tranquillement haleine, comme disent les Écossais. Écoutez les opinions de tout le monde, et gardez la vôtre pour vous. S’il arrive que vous appreniez des nouvelles qui vous plaisent, ne sautez pas comme si vous alliez vous armer directement pour la cause dont il s’agit. Notre vieux monsieur Wingate dit, et il connaît bien le bétail de la cour : « Si on vous raconte que le roi Coul est ressuscité, contentez-vous de répondre : est-il bien vrai ? je l’ignorais : et ne paraissez pas plus ému que si quelqu’un vous disait, comme une nouvelle, que le roi Coul est mort et enterré. » Ainsi donc, veillez bien à votre conduite, maître Roland, car, je vous en réponds, vous entrez au milieu d’une génération aussi âpre à la curée qu’un faucon affamé. Que votre poignard ne soit pas dégainé à chaque mot que vous entendrez prononcer de travers ; car vous trouverez des lames aussi chaudes que la vôtre, et alors le sang coulera sans le secours des sangsues ou l’avis de l’almanach.

— Vous verrez combien je serai réservé et prudent, mon bon ami, répondit Græme. Mais par Notre-Dame ! quelle est donc cette maison tout en ruines si près de la ville ? Ont-ils joué ici le rôle de l’abbé de la Déraison, et terminé la farce en brûlant l’église ?

— La ! répliqua son compagnon, voilà que vous vous laissez encore entraîner par le vent, comme un faucon sauvage qui n’écoute ni le leurre ni le signal. C’est une question que vous auriez du me faire à voix basse, comme je vous répondrai.

— Si je reste long-temps ici, dit Roland, il y a apparence que je perdrai le ton naturel de ma voix. Mais quelles sont donc ces ruines ?

— L’église de Field, » dit le fauconnier en chuchotant d’un air mystérieux, et posant en même temps un doigt sur sa lèvre ; « ne m’en demandez pas davantage. Quelqu’un a eu un mauvais jeu, et quelqu’un a eu le blâme ; et ce jeu a commencé là où l’on ne pourrait peut-être pas le jouer de nos jours. Pauvre Henri Darnley, bien qu’il ne fût qu’un âne, il entendait quelque chose en fauconnerie ; mais on l’a lancé lui-même dans les airs par un brillant clair de lune[1]. »

  1. Allusion à la fin tragique de Darnley, époux de Marie Stuart, et au château duquel ou mit le feu pendant la nuit. Une mine le fit sauter en l’air. a. m.