Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/161

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partie du pays, proposa d’abréger de beaucoup la route, en traversant la petite vallée de Glendearg, déjà connue de nos lecteurs par les aventures racontées dans la première partie du manuscrit du Bénédictin. Roland n’ignorait rien de ce qui s’y rapportait, non plus que des milliers de commentaires et de fausses interprétations auxquelles elles avaient donné lieu ; car dans le château d’Avenel, comme dans les autres grands manoirs, les serviteurs ne parlaient de rien si souvent, ou avec plus de plaisir, que des affaires particulières de leur maître et de leur maîtresse. Mais tandis que Roland considérait avec intérêt ces lieux, où l’on disait qu’il s’était passé des choses contraires aux lois de la nature, Adam Woodcock regrettait encore au fond de son âme sa fête et sa ballade interrompues ; il entonnait avec éclat, de temps en temps, des couplets tels que ceux-ci :

Ils mangeaient, la chose est certaine,
Chair à l’huile les samedis ;
Et jeûnaient toute la semaine,
Quand elle avait deux vendredis.
Moquons-nous donc de leur censure ;
Rions, chantons… sous la verdure.

Ils ne rompaient point l’abstinence ;
À table dès le grand matin,
Jusqu’au souper faisant bombance,
Et soupant jusqu’au lendemain.
Moquons-nous donc de leur censure ;
Rions, chantons… sous la verdure.

« De par le ciel, ami Woodcock, dit le page, bien que je vous connaisse pour un intrépide Évangéliste, qui ne craint ni saints ni diables, cependant si j’étais à votre place, je ne voudrais pas chanter des chansons aussi profanes dans cette vallée de Glendearg, en pensant à ce qui est arrivé ici avant notre temps.

— Bagatelle que vos esprits errants ! dit Woodcock, je ne m’en inquiète pas plus qu’un aigle ne s’inquiète d’une troupe d’oies sauvages : tous ces êtres-là ont pris la fuite depuis que les chaires sont occupées par de braves ministres, et les oreilles du peuple remplies de saines doctrines. Oui, je parle d’eux dans ma ballade : si j’avais seulement eu le bonheur de la chanter jusqu’à la fin ! et il reprit sur le même air :

Lutins, démons, spectres et fées,
Browngs, Kelpys, sont disparus :