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CHAPITRE XVI.

le pont.


Jeune homme, maintenant tu passes à l’âge mûr : que ta lèvre soit moins riante et ton front plus sombre, ton pas plus grave et ton air plus pensif. Il faut maintenant souffrir les veilles de minuit, prendre la nourriture et tes plaisirs comme à la dérobée : car tu avais coutume de préférer les jeux et la plaisanterie ; des folies plus graves vont maintenant t’occuper ; mais aussi déraisonnables, aussi fausses et aussi vides.
La Vie, poème.


Roland Græme trottait gaiement à la suite de sir Halbert. Il était soulagé de la crainte la plus pénible, celle d’être exposé au mépris et aux railleries qui accueilleraient probablement son retour immédiat au château d’Avenel. « Il y aura bien du changement avant qu’ils me revoient, » pensait-il en lui-même ; je porterai la cuirasse d’airain au lieu du justaucorps vert, et le casque d’acier en place de la toque ornée d’une plume. Ils seront hardis ceux qui oseront railler l’homme d’armes sur les folies du page ; et je me flatte qu’avant mon retour j’aurai fait quelque chose de plus remarquable que de lancer un chien contre un daim, ou de gravir un rocher pour dénicher des faucons. » Il ne pouvait cependant s’empêcher d’être étonné que son aïeule, avec tous ses préjugés religieux, eût consenti si facilement à le voir rentrer au service de la maison d’Avenel : il l’était encore plus en se rappelant la joie mystérieuse qu’elle avait témoignée lors de leur séparation à l’abbaye.

« Le ciel, » avait dit la dame en embrassant son jeune parent, « accomplit ses œuvres par les bras mêmes de ceux de nos ennemis qui se regardent comme les plus forts et les plus sages. Toi, mon fils, sois prêt à agir au premier appel de ta religion et de ton pays ; et rappelle-toi que tous les liens terrestres que tu pourrais former, comparés à ceux qui t’enchaînent à des objets si chers, sont ce qu’un brin de chanvre est au câble le plus solide. Tu n’as pas oublié la figure et les traits de la jeune Catherine Seyton ? »