Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/143

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Le moine, en temps de pénitence,
À son croc pendait nos chapons :
Moquons-nous bien de leur censure ;
Rions, chantons… sous la verdure.

Tout en répétant d’une voix de tonnerre le refrain de cette chanson de chasse, les compagnons de l’abbé de la Déraison devenaient de plus en plus tumultueux, et passaient même par-dessus le respect qu’ils devaient au vénérable prélat. Tout à coup un chevalier armé de pied en cap, suivi de deux ou trois hommes d’armes, entra dans l’Église, et leur enjoignit d’une voix sévère de cesser leurs sacrilèges divertissements.

Sa visière était levée, mais eût-elle été baissée, la branche de houx qui ornait son casque eût suffi pour faire reconnaître sir Halbert Glendinning. Ce seigneur traversait le village de Kennaquhair pour revenir à son château : il avait entendu le vacarme qui se faisait dans l’Église, et craignant peut-être pour la sûreté de son frère, il y était entré avec sa suite.

« Camarades ! dit-il, que signifie tout cela ? Êtes-vous chrétiens et sujets du roi, vous qui osez profaner et détruire une Église et un sanctuaire comme feraient des païens ? »

Tous gardèrent le silence, bien que plusieurs fussent certainement surpris et désappointés en recevant d’un protestant si zélé des remontrances au lieu de remercîments.

Il est vrai qu’à la fin le dragon prit sur lui de faire l’orateur, et murmura, en grognant du fond de son gosier de carton peint, qu’ils n’avaient fait que balayer le papisme hors de l’Église avec le balai de la destruction.

« Quoi, mes amis ! répliqua Halbert Glendinning, pensez-vous qu’il n’y a pas dans ces divertissements et dans cette mascarade plus de papisme que dans ces murs de pierre ? Enlevez la lèpre qui vous ronge le corps avant de penser à purifier des murailles !… Rabaissez cette hardiesse insolente qui ne produit que de condamnables excès ; et sachez que l’amusement auquel vous vous livrez est un de ces plaisirs coupables et sacrilèges, introduits par les prêtres mêmes de Rome pour égarer et abrutir les âmes qui tombent dans leurs filets.

— Dieu soit loué !… Venez-vous ici pour nous gronder ? » murmura le dragon, avec une humeur violente qui allait parfaitement à son rôle ; « nous eussions aussi bien fait de rester romains si nous ne pouvons nous amuser en liberté.