Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/122

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nastère dont ils étaient autrefois les vassaux. Roland vit des fragments de colonnes gothiques richement travaillées, qui soutenaient les portes des plus humbles chaumières, et mainte statue mutilée formait le seuil d’une étable. L’église avait moins souffert que le reste des bâtiments. Mais les images placées dans les niches nombreuses qui couvraient les piliers et les arcs-boutants, images que les superstitieuses adorations des papistes faisaient regarder comme des idoles, avaient été brisées et renversées, sans que les iconoclastes eussent pris la moindre précaution pour ne pas détruire en même temps leurs riches piédestaux ou leurs légers pavillons. Et en vérité, si la dévastation n’avait atteint que des statues et des ornements de sculpture, il serait absurde de regretter ces monuments de l’antiquité au point de renier à ce prix les bienfaits de la réforme.

Nos voyageurs virent la destruction de ces vénérables images des saints et des anges (vénérables pour eux qui avaient été élevés à les considérer comme telles) avec un sentiment bien différent de celui que nous venons de manifester. L’antiquaire se fût affligé de la nécessité de cette destruction ; Madeleine Græme y voyait un acte d’impiété, et son petit-fils se joignait cordialement à elle pour appeler sur ses auteurs la prompte vengeance du ciel. Mais ni l’un ni l’autre n’exprima par des paroles ce qu’il ressentait, et ils se contentèrent de lever les yeux et les mains vers le ciel. Le page s’approchait de la grande porte de l’est de l’église, mais son guide l’arrêta.

« Cette porte, dit Madeleine, est condamnée depuis long-temps, afin que les hérétiques ne sachent point qu’il existe encore, parmi les frères de Sainte-Marie, des hommes qui osent adorer Dieu dans les lieux où leurs prédécesseurs priaient pendant leur vie et reposaient après leur mort. Suivez-moi par ici, mon fils. »

Roland Græme obéit, et Madeleine, s’assurant par un regard rapide que personne ne les observait, car le danger des temps lui avait enseigné la prudence, ordonna à son petit-fils de frapper à un petit guichet qu’elle lui désigna. « Mais frappe doucement, » ajouta-t-elle en indiquant par un geste la nécessité de cette précaution. Après un court intervalle, pendant lequel on ne répondit point, elle fit signe à Roland de frapper de nouveau ; enfin, la porte s’ouvrant à demi, laissa entrevoir le portier qui s’acquittait de son devoir d’un air craintif, évitant les regards de ceux qui étaient dehors, et cherchant à les voir sans être vu. Qu’il était loin de cette