Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/120

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lieu des hérétiques et des schismatiques qui pillent les biens de l’Église et blasphèment les saints et les sacrements, il reste encore quelques zélés croyants.

— Cela est vrai, ma mère, répondit Roland Græme, mais il me semble qu’ils sont d’une condition à nous prêter un faible secours. Ne voyez-vous pas que ceux qui portent l’épée au côté, ou qui paraissent tenir quelque rang, nous dédaignent comme les plus vils mendiants ; tandis que tous ceux qui nous donnent quelques marques d’intérêt sont voués à la pauvreté et au malheur n’ayant ni pain à partager avec nous, ni épée pour nous défendre, ni habileté pour s’en servir s’ils en avaient une. Ce pauvre misérable qui tout à l’heure s’est agenouillé devant vous avec tant de dévotion, et qu’à sa maigreur on dirait dévoré soit au dedans par quelque cruelle maladie, soit au dehors par la plus affreuse misère, ce pauvre diable pâle et fiévreux, en quoi peut-il aider vos projets ?

— Il peut les aider beaucoup, mon fils, » répliqua la matrone avec plus de calme que le page n’en attendait peut-être. « Quand ce pieux enfant de l’Église reviendra de la chapelle de Saint-Ringan, qu’il va maintenant visiter par mes conseils et avec l’aide des bons catholiques ; quand il en reviendra guéri de sa terrible maladie, brillant de santé et plein de vigueur, ce témoignage de sa foi, et la miraculeuse récompense qu’il en aura reçue, ne parleront-ils pas plus haut aux oreilles de ce peuple abruti de l’Écosse, que ne fait le vain son qui part chaque jour de mille chaires hérétiques ?

— Sans doute, ma mère, mais je crains que la main du saint n’ait perdu son pouvoir, car il y a long-temps que nous n’avons entendu parler d’un miracle opéré par saint Ringan. »

La matrone garda quelques instants le silence, puis elle demanda brusquement à son petit-fils, d’une voix agitée par l’émotion : « Serais-tu donc si à plaindre que de douter du pouvoir de ce bienheureux saint ?

— Non ma mère, répondit en hâte le jeune homme, « je crois tout ce qu’enseigne la sainte Église, et je ne doute pas que saint Ringan n’ait le pouvoir de guérir ; je dis seulement, avec respect, que depuis un certain temps il ne s’est guère montré disposé à l’exercer.

— Et ce pays l’a-t-il mérité ? » dit Madeleine Græme en avançant d’un pas rapide jusqu’au sommet d’un monticule où le sentier conduisait : « Ici, » continua-t-elle en s’arrêtant, « ici, sur les