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fort, elle rappela à l’abbesse qu’elle devait se retirer pour une heure avant les vêpres ; et recevant un prompt signe d’approbation de sa supérieure, elle se leva pour sortir. Mais, avant de quitter l’appartement, elle salua les deux matrones si profondément que ses mains touchèrent ses genoux, et fit ensuite à Roland une révérence beaucoup moins profonde, en inclinant faiblement le corps et baissant légèrement la tête. Elle s’acquitta de cette politesse très froidement ; mais celui à qui elle s’adressait crut discerner sous cette froideur même une maligne joie du désappointement qu’il éprouvait… « Au diable la moqueuse jeune fille, » dit-il en lui-même, quoique la présence de l’abbesse eût dû réprimer des pensées si profanes ; « elle a le cœur aussi dur que l’hyène au rire affreux dont parlent les livres de contes ; elle veut que je ne l’oublie pas cette nuit du moins. »

Les deux matrones se retirèrent aussi, en recommandant au page de ne pas sortir du couvent, de ne pas même se montrer aux fenêtres, l’abbesse lui donnant pour raison que les hérétiques saisissaient avec empressement la moindre occasion de répandre des bruits malveillants contre les ordres religieux.

« M. Henri Warden lui-même était moins rigide, » dit le page dès qu’il fut seul ; « car, pour lui rendre justice, s’il exigeait la plus stricte attention pendant ses homélies, il nous laissait ensuite une entière liberté ; et même il partageait nos jeux, quand il les jugeait innocents. Mais ces vieilles femmes sont plongées dans les ténèbres, les mystères et l’abnégation de soi-même… Eh bien ! puisque je ne dois ni sortir, ni regarder par les croisées, je veux voir au moins si l’intérieur de cette maison contient quelque chose qui puisse m’aider à passer le temps. Peut-être découvrirai-je dans un coin cette rieuse aux yeux bleus. »

Il sortit donc de la chambre par une porte opposée à celle que les deux matrones avaient fermée sur elles, car on supposera sans peine qu’il ne désirait nullement se mettre en tiers dans leur tête-à-tête ; il se mit à errer de chambre en chambre, à travers l’édifice abandonné, cherchant, avec un empressement de jeune homme, quelque objet qui pût l’intéresser ou l’amuser. Il passa dans un long corridor où donnaient les petites cellules des nonnes, toutes inhabitées et dégarnies du petit mobilier que permettaient les règles de l’ordre.

« Les oiseaux sont envolés, se dit le page ; mais se trouvent-ils plus mal en plein air que dans ces cages humides et étroites ? je