Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/110

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Roland répondit affirmativement avec autant de promptitude que de vérité.

« Et toi, ma fille, te rappelleras-tu les traits de ce jeune homme ?

— Oui, mère, répliqua Catherine Seyton : je n’ai pas vu assez d’hommes pour oublier les traits de votre petit-fils, quoique je n’y trouve rien qui mérite un souvenir particulier.

— Donnez-vous donc la main, mes enfants, dit Madeleine Græme.

— Non, ma sœur, » s’écria sa compagne, à qui ses préjugés de couvent ne permettaient pas de la laisser aller si loin ; « non, ma sœur, vous oubliez que Catherine est la fiancée du Seigneur ; cela ne peut avoir lieu.

— C’est pour la cause du ciel que je leur ordonne de s’embrasser, » s’écria Madeleine de toute la force de sa voix ; « la fin, ma sœur, sanctifie les moyens auxquels nous sommes obligées de recourir.

— Ceux qui me parlent, » reprit dame Brigitte en se redressant et un peu offensée du ton impératif de son amie, « m’appellent dame abbesse ou au moins ma mère. Lady d’Heathergill oublie qu’elle parle à l’abbesse de Sainte-Catherine.

— Quand j’étais lady d’Heathergill, dit Madeleine, vous étiez certainement l’abbesse de Sainte Catherine ; mais ces deux noms ont péri avec le rang que le monde et l’Église leur accordaient ; et nous ne sommes plus, aux yeux des hommes, que deux femmes pauvres, méprisées, persécutées, que la vieillesse traîne vers un humble tombeau. Mais, aux yeux de Dieu, nous sommes des ministres de sa volonté, dont la faiblesse manifestera la force de l’Eglise, devant qui tomberont la prudence de Murray et la puissance énergique de Morton. Devez-vous nous appliquer les règles étroites du cloître, et avez-vous oublié l’ordre de votre supérieur, qui vous a prescrit de m’obéir en cette affaire ?

— Eh bien ! que le scandale et le péché retombent sur votre tête ! » s’écria l’abbesse avec un air chagrin.

« D’accord, dit Madeleine. Embrassez-vous, vous dis-je, mes enfants. »

Mais Catherine, qui s’attendait peut-être à ce dénoûment de la discussion, avait quitté le salon, et sa fuite inaperçue ne contraria pas moins le petit-fils que la grand’mère.

« Elle est allée, dit l’abbesse, préparer un modeste repas, mais qui sera peut-être peu du goût de ceux qui vivent dans le monde,