Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/11

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seigneur, son expérience dans les armes, sa haute réputation de sagesse et d’intégrité, et la faveur dont il jouissait auprès du tout puissant comte de Murray, le rendait tout à fait propre à soutenir et défendre ceux qui venaient se loger à l’ombre de sa bannière. Ainsi, quand il quittait son château, quelque prolongée que dût être son absence, il avait la consolation de penser qu’au premier signal le village pourrait fournir trente hommes résolus, ce qui faisait une garnison plus que suffisante ; et alors, suivant l’usage, les familles fuyaient au sein des montagnes, entraînant leur bétail dans quelque retraite cachée, et laissant l’ennemi faire ce qu’il voudrait de leurs misérables cabanes.

Un seul hôte résidait généralement, pour ne pas dire constamment, au château d’Avenel, c’était Henri Warden. Ce digne apôtre se sentait aujourd’hui moins capable d’accomplir la tâche difficile et périlleuse que s’étaient imposée les ministres de la religion réformée ; il avait, dans son zèle fervent, offensé personnellement quelques-uns des principaux chefs et barons, et ne se croyait plus en sûreté que dans l’enceinte du château de quelques amis éprouvés. Il n’avait pas cessé toutefois de défendre la sainte cause avec la plume, aussi ardemment qu’il l’avait auparavant servie de vive voix ; et il avait engagé une polémique violente, sur le sacrifice de la messe, avec l’abbé Eustache, ci-devant sous-prieur de Kennaquhair. Attaques, réponses, répliques, nouvelles réponses, nouvelles répliques, se succédaient rapidement des deux côtés, et dans ces écrits, chacun déployait comme dans beaucoup de controverses, au moins autant de zèle que de charité chrétienne. Cette dispute devint bientôt aussi célèbre que celle de John Knox et de l’abbé de Crosraguel : elle s’envenima presque autant ; et, d’après ce que j’en connais, les pièces auxquelles elle donna naissance des deux côtés peuvent être tout aussi précieuses aux yeux des bibliographes. Mais la nature des occupations attachantes du théologien ne le rendait pas un compagnon bien intéressant pour une dame seule. Son visage grave, son air sérieux et absorbé, qu’il ne quittait que rarement et quand il s’agissait de quelque sujet relatif à ses opinions religieuses, toutes ses habitudes enfin étaient peu propres à dissiper la noire mélancolie qui semblait planer sur le château d’Avenel.

La dame du manoir passait la plus grande partie du jour à surveiller les travaux de ses nombreuses suivantes ; ses fuseaux, sa Bible, une promenade solitaire sur la plate-forme du château ou