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projets ; et elle avait son but en me faisant entrer au château. Elle faillit toutefois ne pas réussir, et nous étions depuis plusieurs semaines dans le hameau lorsque je trouvai un introducteur auquel nous ne nous attendions pas.

— Qui donc ?

— Un gros chien noir, nommé Wolf, qui m’emporta un jour au château dans sa gueule, comme un canard sauvage blessé, et me présenta à la dame.

— Honorable présentation, vraiment ! Et qu’avez-vous appris dans ce château ? J’aime bien à savoir ce que mes connaissances peuvent faire au besoin.

— À chasser au faucon, à mener un chien courant, à monter à cheval et à manier la lance, l’arc et l’épée.

— Et à faire parade de votre science : ce qui en France suffirait pour rendre un page parfait ; mais continuons, beau sire. Comment se fait-il que votre maître, huguenot, et sa femme, non moins huguenote, aient reçu et gardé chez eux un personnage aussi dangereux qu’un page catholique ?

— Parce qu’ils ne connaissaient pas cette partie de ma vie sur laquelle, dès mon enfance, on m’avait recommandé de me taire ; et parce que ma grand’mère, pour écarter tout soupçon, avait suivi avec zèle les prédications de leur hérétique chapelain, » répondit le page en approchant sa chaise de celle de la belle questionneuse.

« Pas si près, galant sire ! s’écria la jeune fille aux yeux bleus ; car je me trompe fort, ou ces respectables dames ne tarderont pas à venir interrompre cet agréable entretien, si notre liaison leur semble marcher trop vite. Ainsi, beau sire, ayez la complaisance de ne pas vous déranger et de répondre à mes questions. Comment avez-vous donné la preuve des belles qualités d’un page, que vous aviez si heureusement acquises ? »

Roland, qui commençait à entrer dans l’esprit et la conversation de la jeune personne, lui répondit assez gaiement :

« On ne m’a jamais vu manquer d’habileté, belle demoiselle, surtout lorsqu’il s’agissait de quelque malice ; je tirais les cygnes, je chassais les chats, le gibier de réserve, j’effrayais les servantes et je pillais le verger, sans compter tous les tours que je croyais de mon devoir de jouer au chapelain en qualité de bon catholique.

— Aussi vrai que je suis de bonne famille, ces hérétiques ont fait une pénitence catholique en gardant un page si accompli. Et