Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/100

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vieilles femmes liguées pour diriger à leur gré ses mouvements, dans le but de le faire servir à la réussite de plans qu’on ne lui avait pas communiqués. Il lui semblait que c’était trop demander de lui ; pensant avec assez de raison, quelque droit qu’eût sa grand-mère et sa bienfaitrice de diriger ses actions, qu’elle n’avait pas celui de transférer son autorité ni de la partager avec une autre personne, laquelle paraissait prendre avec lui, sans cérémonie, un ton de commandement tout aussi absolu.

« Cela ne saurait durer long-temps, pensait Roland. Je ne serai pas toute ma vie l’esclave du sifflet[1] d’une femme, pour aller quand elle l’ordonne, venir quand elle appelle. Non, par saint André ! la main qui peut porter la lance ne doit pas se soumettre à la quenouille. À la première occasion, je leur laisserai mon collier d’esclavage ; et elles exécuteront alors leur œuvre avec leurs propres forces. Cela pourra les tirer d’un mauvais pas, car j’entrevois que ce qu’elles méditent n’est ni sûr ni facile. Le comte de Murray et son hérésie se sont trop bien enracinés pour que deux vieilles femmes les puissent abattre. »

Comme il achevait, ils entrèrent dans une chambre basse où une troisième femme était assise. Cet appartement était le premier de la maison où il eût vu des meubles ; il y avait des chaises et une table de bois couverte d’un morceau de drap ; un tapis était étendu sur le plancher ; un garde-feu ornait la cheminée ; bref, l’appartement avait l’air d’être habitable et habité.

Mais les yeux de Roland trouvèrent à s’employer mieux qu’à examiner le mobilier de la chambre ; car la nouvelle habitante de cette demeure lui parut quelque chose de bien différent de ce qu’il y avait vu jusque-là. Lorsqu’ils étaient entrés, elle avait salué respectueusement et en silence les deux vieilles matrones ; et son regard étant tombé sur Roland, elle arrangea un voile qui pendait sur ses épaules, de manière à le ramener sur sa figure ; mouvement qu’elle fit avec un air de modestie, mais sans montrer un empressement affecté ni une timidité embarrassée.

Roland néanmoins avait eu le temps de remarquer que c’était le visage d’une jeune fille qui paraissait avoir à peine seize ans, et dont les yeux étaient doux et brillants. À ces remarques favorables il pouvait ajouter avec certitude que la jeune personne avait une taille charmante et peut-être un peu trop d’embonpoint, ce

  1. Whistle, dit le texte, parce qu’avant l’invention des sonnettes on se servait en Angleterre d’un sifflet pour appeler les domestiques. a. m.