Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/443

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jours de malheur sont venus fondre sur nous. L’ennemi fait une brèche dans notre sanctuaire ; ton frère a renié la foi. Telles sont les nouvelles que j’ai apprises dernièrement d’un agent secret. Murray a déjà parlé de récompenser ses services par la main de Marie Avenel.

— De Marie Avenel ! » reprit le novice, et pouvant à peine se soutenir, il fut obligé de s’appuyer contre un des morceaux de sculpture qui ornaient ces antiques et orgueilleuses murailles.

— Oui, mon fils, de Marie Avenel, qui a aussi abjuré la foi de ses pères. Ne pleure pas, mon Édouard, ne pleure pas, mon fils bien-aimé, ou pleure sur leur apostasie et non sur leur union ! Grâces soient rendues au Seigneur qui t’a appelé à lui ; qui t’a tiré du séjour du mal et de la corruption ! car, toi aussi, tu as été un homme perdu, abandonné, et te voilà sauvé par la grâce de Notre-Dame et de saint Benoît.

— Je m’efforce, mon père, dit Édouard, je m’efforce d’oublier !… mais cette pensée a été celle de ma première vie, de ma première jeunesse !… Murray n’osera pas favoriser un mariage aussi inégal sous le rapport de la naissance.

— Murray osera tout ce qui peut servir ses desseins : le château d’Avenel est fortifié, et le comte a besoin d’y placer un brave châtelain, qui lui soit tout dévoué ; quant à l’inégalité de leur naissance, il ne s’en inquiétera pas plus qu’il ne s’inquiéterait de déranger la régularité naturelle du sol, pour y élever des retranchements et y creuser des fossés. Mais ne t’afflige pas pour cela, éveille le courage au-dedans de toi, mon fils ; songe que tu te sépares d’une vision, d’un vain songe nourri dans la solitude et l’inaction. Je ne pleure pas, moi, et cependant que ne suis-je pas sur le point de perdre ! Regarde ces tours où les saints ont habité et où les héros ont été ensevelis ! pense que moi, appelé depuis si peu de jours à conduire le troupeau des fidèles qui résident dans ces lieux depuis les premiers temps du christianisme, je puis devenir aujourd’hui le dernier des abbés de Kennaquhair. Tiens, suis-moi, marchons courageusement au-devant de notre destin. Je vois l’ennemi s’approcher du village. »

L’abbé descendit ; le novice jeta un dernier regard autour de lui, sans que la pensée du danger qui menaçait ce majestueux monument, ou aucune crainte personnelle, eût le pouvoir de bannir de sa mémoire le souvenir de Marie Avenel. La fiancée de son frère ! il baissa son capuchon sur son visage, et suivit son supérieur.