Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/419

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contentement qui parut sur le front du comte ; et, contre toute prudence et toute politique, s’apercevant qu’il avait dit quelque chose de mal, il s’arrêta court au milieu de sa narration.

« Qu’a donc ce jeune fou ? » s’écria le comte en fronçant ses sourcils noirs, tandis qu’une vive rougeur vint colorer son front. « N’as-tu pas encore appris à conter une histoire véritable sans balbutier !

— Ne vous en déplaise, » répondit adroitement Halbert, « c’est la première fois que je parle en présence d’un homme de votre rang.

— Ce jeune homme paraît modeste, » reprit Murray en se tournant vers ceux qui l’entouraient, et cependant il a l’air d’un homme qui, dans une bonne cause, ne craindrait ni ami ni ennemi. Parle, ami, et parle librement. »

Halbert raconta alors la querelle survenue entre Julien Avenel et le prédicateur ; et le comte, tout en se mordant les lèvres, s’efforça de garder un air d’indifférence ; dans le premier moment il parut même prendre le parti du baron.

« Henri Warden, dit-il, est trop rigide dans son zèle. Ni la loi de Dieu, ni celle des hommes, ne condamnent certaines alliances, quoiqu’elles ne soient pas tout à fait légitimes, et les enfants nés de telles unions sont habiles à succéder. »

Cette déclaration fut accompagnée d’un coup d’œil rapide qu’il jeta sur le petit nombre de seigneurs qui étaient présents à cette entrevue. « Rien de plus vrai ! » s’écrièrent la plupart d’entre eux. Les autres baissèrent les yeux et gardèrent le silence. Murray se retourna ensuite vers Glendinning, et lui ordonna de continuer et de n’omettre aucune particularité. Lorsqu’Halbert fit mention de la manière impitoyable dont Julien avait repoussé Catherine, Murray laissa échapper un profond soupir, serra les dents et porta la main sur son poignard ; mais après avoir promené un nouveau regard sur le cercle qui l’environnait, et qui venait de s’augmenter de deux ou trois prédicateurs réformés, il dévora sa rage en silence, et fit signe à Halbert de poursuivre. Bientôt Glendinning arriva au moment où Warden fut arrêté ; et il dit avec quelle brutalité le prédicateur avait été traîné dans un cachot. À ce récit le comte donna un libre essor à sa fureur, certain d’avance de l’approbation de tous ceux qui étaient présents. « Soyez juges, » s’écria-t-il en regardant ceux qui l’entouraient, « pairs, et nobles seigneurs écossais, soyez juges entre moi et ce Julien Avenel : il a manqué à sa parole, il a violé mon sauf-conduit ; et vous, révérends