Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/409

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Le nouvel abbé prit toutefois une contenance plus imposante que de coutume en donnant les ordres nécessaires à la sûreté du couvent ; ceux qui l’approchèrent purent reconnaître un éclat inusité dans son regard d’aigle, et une rougeur inaccoutumée sur ses joues pâles et flétries. Il écrivit et dicta avec précision et clarté diverses lettres à plusieurs barons pour les informer de l’invasion méditée par les Anglais, et les solliciter d’accorder leur appui à l’Église et de prendre part à la cause commune. Des propositions de récompenses furent faites à ceux qu’il jugeait le moins susceptibles d’être excités par le sentiment de l’honneur, et il s’efforça de réveiller dans toutes les âmes l’amour de la patrie et le souvenir de l’ancienne haine des Écossais pour les Anglais. Le temps n’était plus où de telles exhortations auraient été superflues. L’appui d’Élisabeth était si essentiel pour le parti réformé en Écosse, et ce parti était si considérable dans chaque canton, qu’il y avait beaucoup de raisons de craindre qu’un grand nombre de barons ne gardassent la neutralité dans cette occurrence, en supposant qu’ils ne voulussent pas se joindre aux Anglais contre les catholiques.

Lorsque le père Eustache examina le nombre des vassaux de l’Église auxquels il pouvait légitimement commander, son cœur s’attrista à la pensée de les ranger sous la bannière d’un chef aussi cruel et aussi dissolu que Julien Avenel.

« Si je savais où trouver ce jeune enthousiaste Halbert Glendinning, pensa le père Eustache, je risquerais de lui confier le commandement de l’armée, quelque jeune qu’il soit, et j’oserais compter davantage sur la protection de Dieu. Mais le bailli est maintenant trop accablé des infirmités de la vieillesse, et je ne connais aucun chef sur lequel je puisse me reposer plus sûrement dans cette circonstance importante que ce Julien Avenel. » Il agita une sonnette qui était sur la table, et ordonna que Christie de Clint-Hill fût amené en sa présence.

— Tu me dois la vie, lui dit-il, et je puis te rendre de nouveaux services si tu veux être sincère avec moi. »

Christie avait déjà vidé deux flacons de vin qui, en toute autre occasion, n’auraient pas manqué d’augmenter l’insolence de sa familiarité ; mais il y avait en ce moment quelque chose dans le maintien du père Eustache qui était plus remarquable qu’à l’ordinaire et qui lui imposait. Ses réponses se ressentirent cependant de l’audace naturelle à son caractère ; et il l’assura d’abord qu’il