Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/399

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— Ta franchise, dit le sous-prieur, te sera sûrement avantageuse ; car dans ces temps de trouble il importe beaucoup à l’Église de connaître les projets et les intentions de ceux qui l’entourent : mais qu’attend ton maître de nous en récompense de ce service ? car je pense qu’il est un de ceux qui ne travaillent pas sans salaire.

— Non certes ! je puis vous le dire facilement : lord James lui avait promis, dans le cas où il entrerait dans son parti, de réunir aux terres de la baronnie d’Avenel celles de Cranberry-Moor, qui y sont enclavées, et il n’attend pas moins de votre reconnaissance.

— Mais il y a le vieux Gilbert de Cranberry-Moor, dit le sous-prieur, qu’en ferons-nous ? L’hérétique lord James peut prendre sur lui de disposer des biens et des terres de l’abbaye à son bon plaisir, parce qu’il n’est pas douteux (si ce n’était la protection de Dieu et les barons qui sont restés fidèles à leur croyance) qu’il ne puisse nous en dépouiller par la force ; mais tant que ces biens seront la propriété de la communauté, nous ne pouvons les enlever à d’anciens et de fidèles vassaux, pour en contenter l’avidité de ceux qui ne servent Dieu que dans l’espoir du salaire.

— Par la messe ! dit Christie, voilà qui est bien parlé, sire prêtre ; mais si vous considérez que Gilbert n’a à sa suite que deux poltrons de paysans à moitié morts de faim, et pour toute monture une vieille rosse, plus propre à tirer la charrue qu’à porter un homme d’armes, et que le baron d’Avenel ne monte jamais à cheval sans être suivi de moins de dix maraudeurs, et plus souvent de cinquante, qui, dans toute rencontre, se battent comme s’il s’agissait de la conquête d’un royaume, et montés sur des chevaux qui sont habitués au choc des épées comme au bruit du couvercle d’un coffre à avoine ; je vous dis que, lorsque vous aurez considéré tout cela, vous verrez lequel des deux peut servir le monastère.

— Mon ami, dit le moine, j’achèterais volontiers l’assistance de ton maître aussi cher qu’il le veut, puisque les temps ne nous laissent pas de meilleurs moyens de défense contre les sacrilèges spoliations de l’hérésie ; mais enlever à un pauvre homme son patrimoine !…

— Oh ! dit le cavalier, Gilbert ne serait pas bien en sûreté dans sa demeure si mon maître pensait que son intérêt est un obstacle entre lui et ce qu’il désire ; mais l’abbaye a assez de terres, et Gilbert peut être placé autre part.

— Nous réfléchirons à la possibilité d’arranger ainsi l’affaire, et