Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/35

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« Je ne veux pas parler, continua mon savant[1] compagnon, du poëme vraiment curieux, extrait du manuscrit de Maitland et publié par Pinkerton sous le titre des Moines de Bencick, quoique cet ouvrage nous offre un tableau minutieusement détaillé et extrêmement intéressant des mœurs écossaises sous le règne de Jacques V : mais je vous renvoie au romancier italien, le premier, que je sache, qui ait publié cette histoire, d’ailleurs incontestablement puisée dans quelque ancien fabliau.

« Incontestablement, » répondis-je sans trop comprendre néanmoins la proposition à laquelle je donnais un assentiment aussi peu réfléchi.

« Et néanmoins, continua l’étranger, si vous aviez connu ma position, ainsi que mon état, je doute que vous eussiez choisi cette même anecdote dans l’idée de m’amuser. »

Cette observation fut faite de la meilleure grâce possible, elle réveilla mon attention, et je répondis à l’étranger, avec toute la politesse dont j’étais capable, que si j’avais touché un sujet qui lui fût désagréable, il ne fallait l’attribuer qu’à l’ignorance où j’étais de sa profession et de son rang : j’étais prêt d’ailleurs à lui offrir toutes sortes de satisfactions au sujet de cette offense involontaire, du moment qu’il me dirait en quoi elle consistait.

« Offense ? monsieur, répondit-il ; pas du tout : il n’y a d’offense que là où l’on veut bien la ressentir. Je suis habitué à trop de fausses et cruelles interprétations, pour m’offenser d’un conte populaire, inventé dans le but de ridiculiser ma profession.

— Dois-je entendre par là que je parle à un membre du clergé catholique ?

— À un moine indigne de l’ordre de Saint-Benoît, appartenant à une communauté de vos compatriotes depuis long-temps établie en France, mais malheureusement dispersée par les orages de la révolution.

— En ce cas, vous êtes Écossais, et né dans notre voisinage ?

— Pas tout à fait ; je ne suis qu’originaire d’Écosse, et c’est la première fois de ma vie que je me trouve dans ces environs.

— La première fois, et en connaître si minutieusement l’histoire, les traditions, et jusqu’aux localités ! Vous me surprenez, monsieur.

— Il n’est pas surprenant que je possède ces connaissances lo-

  1. Le texte porte omniscient, adjectif qu’il est regrettable peut-être de ne pas voir admis dans notre langue, déjà en possession d’omniscience. a. m.