Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/266

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Avenel se couvrit d’une vive rougeur, à laquelle succéda bientôt une pâleur mortelle ; mais lorsqu’en achevant brusquement sa phrase, il lui prit la main, elle la retira doucement, et répondit : « Je ne puis lire dans le cœur, Halbert, et je ne voudrais rien connaître du vôtre, excepté ce qui est convenable pour tous deux. Je puis seulement juger par les signes, par les mots et par les actions qui semblent les moins importants, avec plus de justesse que ceux qui sont autour de moi ; comme vous le savez, mes yeux ont vu des objets que les autres ne pouvaient apercevoir.

— Qu’ils regardent donc celui qu’ils ne reverront jamais ! » s’écria le jeune homme, et il se précipita hors de la cour sans regarder en arrière.

Marie Avenel jeta un faible cri, et couvrit de ses mains son front et ses yeux ; elle était depuis une minute dans cette attitude, lorsqu’une voix se fit entendre derrière elle : « Vous êtes généreuse, ma très-clémente Discrétion, de cacher l’éclat de vos yeux devant ces rayons inférieurs qui commencent à dorer l’horizon vers l’orient. Certes, il se pourrait qu’à une telle rencontre Phébus, surpassé en splendeur, fît rétrograder son char, et dans sa honte oubliât d’éclairer l’univers. Croyez m’en, séduisante Discrétion… »

Mais comme sir Piercy Shafton (car le lecteur a pu le reconnaître à ces fleurs de rhétorique) essayait de prendre la main de Marie Avenel, pour donner sans doute plus de mouvement à sa harangue, elle la retira avec vivacité, et, le regardant d’un œil plein de terreur et d’anxiété, elle se précipita dans la tour.

Le chevalier s’arrêta, la suivit des yeux, et, d’un air où se peignait le mépris joint à une grande mortification : « Par ma chevalerie, s’écria-t-il, j’ai prodigué à cette rustique Phidelé un discours que les plus orgueilleuses beautés de la cour de Félicia (qu’il me soit permis d’appeler ainsi l’élysée d’où je suis banni !), auraient surnommé les matines de Cupidon. Cruel et inexorable destin que celui qui t’envoie ici, Piercy Shafton, pour dépenser ta courtoisie auprès des filles de campagne, et ta valeur en face d’un rustre de paysan ! Mais cette insulte ! cet affront ! Si le plus vil des plébéiens me l’avait fait, il devrait mourir de ma main. À cause de l’énormité de l’offense, l’inégalité de celui qui l’a faite devrait être oubliée. Je crois d’ailleurs que je trouverai ce rustre aussi disposé à distribuer des coups que des insolences. »

Sir Piercy Shafton, tout en conversant avec lui-même, hâtait