Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/257

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« Pour célébrer sa louange
Et sa vertu sans mélange,
La bonté dans ce tableau
Vient me fournir le pinceau ;
Le ciel, pavillon du monde,
Est le papier qui me sert,
Et je finis le concert
Comme je l’avais ouvert,
En l’honneur de Rosamonde. »

Comme sir Piercy Shafton chantait par habitude les yeux à moitié fermés, sa chanson était entièrement finie, comme le disait le dernier vers, que, regardant autour de lui, il aperçut que la plus grande partie de ses auditeurs s’étaient abandonnés aux douceurs du sommeil. Marie Avenel, uniquement par politesse, s’était efforcée de rester éveillée au milieu de la poésie prolixe du divin Astrophel ; mais Mysie était transportée en rêve dans la poudreuse atmosphère du moulin de son père. Édouard lui-même, qui pendant quelque temps avait prêté toute son attention au chanteur, était enfin tombé dans le plus profond sommeil ; et si l’on avait pu donner quelque régularité aux sons divers du nez de la digne matrone, ils auraient pu remplacer l’accompagnement si regretté de la viole-de-gamba. Halbert seul, qui n’était pas tenté de se laisser aller aux charmes du sommeil, demeurait les yeux fixés sur le chevalier : non qu’il fût plus satisfait des paroles ou plus ravi de l’exécution que le reste de la compagnie, mais plutôt parce qu’il admirait et enviait peut-être la tranquillité de cet homme qui pouvait passer la soirée en d’interminables madrigaux, lorsque le lendemain matin devait être consacré à un combat à mort. Cependant par la subtilité naturelle de son esprit, il fut frappé de voir que le galant cavalier jetait furtivement de temps à autre un regard sur son adversaire, comme s’il eut voulu surprendre sur la physionomie d’Halbert l’effet d’une si grande sérénité.

« Il ne pourrait rien lire dans mes yeux, » pensa orgueilleusement le jeune homme, « qui pût lui faire croire que je suis moins calme. »

Et prenant alors sur une tablette un sac plein de différents ustensiles, il se mit avec beaucoup d’habileté à préparer des hameçons (nous devons dire pour ceux qui font des recherches sur l’antiquité de l’art agréable de la pêche, que pour cet usage il se servait de fil brun) ; il en avait préparé une demi douzaine, lors-