Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/255

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ment Glendinning, « et je dois la réprimer. Tu es venu dans la maison de mon père, ainsi que je puis le deviner, en exilé et en fugitif ; ton premier salut à ses habitants n’a été qu’une suite d’injures et de mépris. Que ta conscience t’apprenne comment je suis en état de me venger de tes outrages. C’est assez pour moi d’avoir le privilège d’un Écossais libre, et je ne souffrirai pas une insulte sans la rendre et une injure sans la venger.

— C’est bien, dit sir Piercy Shafton ; demain matin nous discuterons cette affaire avec la pointe de notre épée. Que ce soit au jour naissant ; assigne toi-même le lieu du combat. Nous sortirons comme si nous allions courir le cerf.

— Fort bien, répondit Halbert Glendinning ; je te guiderai dans un lieu où cent hommes pourraient se battre et succomber sans que le hasard permît qu’ils fussent interrompus.

— Il suffit, reprit sir Piercy Shafton. Séparons-nous. Beaucoup diront qu’en accordant ainsi les droits d’un gentilhomme au fils d’un vil paysan, je déroge à mon rang, de même que le sublime soleil dérogerait s’il condescendait à comparer et à marier ses rayons d’or à la pâle lueur d’une torche grossière, vacillante et prête à s’éteindre ; mais aucune considération de rang ne saurait empêcher la punition de l’insulte que tu m’as faite. Songe, sir villagio[1], qu’aucune altération ne doit paraître sur notre visage, et demain nous terminerons tout avec nos épées. » Ayant ainsi parlé, il reprit le chemin de la tour.

Il n’est pas inutile de remarquer que la dernière partie de son discours avait été la seule où sir Piercy eût employé quelques unes de ces fleurs de rhétorique qui caractérisaient ordinairement sa conversation. Probablement, son honneur blessé et le vif désir de se venger avaient été trop puissants pour lui permettre de se servir de son langage bizarre ; et telle est l’influence de l’énergie, que sir Piercy Shafton n’avait jamais paru, aux yeux de son jeune adversaire, mériter la moitié autant de respect et d’estime que dans ce court dialogue, par lequel ils se montrèrent une mutuelle confiance. Tout en le suivant lentement à la tour, il ne put s’empêcher de penser que si le chevalier anglais avait toujours déployé cette supériorité et dans sa conduite et dans ses sentiments, il n’aurait pas été si prompt à s’offenser. Quoi qu’il en soit, des

  1. Mot italien qui veut dire village. C’est probablement par erreur que Walter Scott emploie ce mot, au lieu de villacio, augmentatif de villano, et qui signifie grand vilain paysan. a. m.