Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/220

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ties, de sorte que, en cas de besoin, on pourrait renouveler la forme de chacune d’elles, et des quatre en faire douze. Il y a aussi mon habit pour monter à cheval : il est de couleur sombre, et trois chemises avec des rabats parfaitement travaillés. Mais je vous prie de me pardonner, il faut que je voie comment tout cela est arrangé, sans attendre plus long-temps. »

En disant ces mots, il quitta l’appartement ; et le sous-prieur, le regardant d’un air significatif, ajouta en lui-même : « Où est le trésor, là est aussi le cœur.

— Sainte-Marie, sauvez nos esprits ! » dit l’abbé abasourdi de l’abondance de paroles du chevalier ; « jamais cervelle humaine fut-elle plus farcie d’étoffes de soie, de découpures, et que sais-je encore ? Et qui a pu inspirer au comte de Northumberland de prendre pour confident intime, dans une affaire si grave et si dangereuse, un fat écervelé tel que celui-ci ?

— S’il eût été différent de ce qu’il est, vénérable père, dit le sous-prieur, il aurait été moins convenable pour le rôle de bouc émissaire auquel son honorable cousin l’avait probablement destiné dès le commencement, dans le cas où leur complot viendrait à manquer. Je connais un peu ce sir Piercy Shafton. La légitimité de sa mère, qui prétend descendre de la famille Piercy ; dont il est fort jaloux, a été souvent mise en question. Si le courage étourdi et un esprit de galanterie outrée peuvent établir ses prétentions à la haute lignée qu’il réclame, ces qualités ne lui seront jamais disputées. Du reste, c’est un débauché courtisan de ce siècle, semblable à Rowland Yorke, Stukely, et beaucoup d’autres, qui mangent leurs biens, et mettent leur vie en danger par leurs vaines fanfaronnades, pour être les premiers petits-maîtres de l’époque ; ensuite ils s’efforcent de réparer leur fortune en s’engageant dans des complots désespérés et des conspirations que des têtes plus rassises ont enfantées. Pour me servir d’une de ses comparaisons affectées, ces fous qui ne craignent aucun danger ressemblent à des faucons que le sage fauconnier garde couverts et encapuchonnés sur son poing jusqu’à ce que sa proie arrive, et qu’alors il les lance sur elle.

— Sainte Marie ! dit l’abbé, ce serait une personne bien insupportable à amener dans notre tranquille séjour. Nos jeunes moines s’occupent bien déjà assez de leur parure, et plus qu’il n’appartient aux serviteurs de Dieu. Ce chevalier leur ferait perdre l’esprit depuis le vestiarius jusqu’au plus petit marmiton.