Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/175

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Glendinning en avait jamais vu) ; elle avait l’esprit animé par sa coquetterie rustique, et sa tête était couverte d’une profusion de cheveux noirs comme l’ébène. Le beau idéal que dame Glendinning avait enfanté dans son imagination se réalisa tout à coup dans la figure enjouée de Mysie Happer, et pendant une demi-heure la bonne mère considéra cette jeune fille comme celle qui devait fixer le jeune et pétulant Halbert. Il est vrai que Mysie aimait tout autant danser autour d’un mai que veiller aux soins domestiques, et qu’Halbert préférait casser des têtes à moudre des sacs de blé ; mais un meunier devait être robuste, comme il a été dépeint depuis Chaucer et James Ier[1], et réellement capable de surpasser, dans les exercices athlétiques, tous les suckens de la banalité pour nous servir encore une fois de cette expression barbare. C’était un moyen de ramasser plus aisément ce qui lui était dû, et que l’on aurait pu disputer à un plus formidable champion. Enfin, quant au manque de soins de la femme du meunier, la dame était d’avis qu’il pourrait se remplacer par l’activité de la belle-mère. « Je tiendrai moi-même la maison des jeunes gens, car la tour est devenue bien solitaire, pensa la dame Glendinning, et vivre près de l’église sera fort agréable dans ma vieillesse ; alors Édouard s’arrangera avec son frère pour le fief, d’autant plus facilement qu’il est le favori du sous-prieur, et ensuite il demeurera dans la tour comme son digne frère. Qui sait si Marie Avenel, toute noble qu’elle est, ne pourrait point tirer son tabouret dans le coin de notre cheminée, et s’y installer, pour la vie ? Il est vrai qu’elle n’a pas de fortune, mais une pareille fille, tant pour le bon sens que pour la beauté, n’a jamais frappé mes regards ; et j’ai connu toutes les filles de l’abbaye de Sainte-Marie, oui, et celles qui leur ont donné le jour. C’est la créature la plus douce et la plus aimable qui ait jamais porté le snood[2] sur une brune chevelure.

  1. Les vers choisis pour épigraphe du chapitre sont tirés d’un poëme attribué à Jacques Ier, roi d’Écosse. Quant au meunier qui figure parmi les pèlerins de Cantorbéry, outre son épée et son bouclier, il se vante d’autres attributs ; tous, mais particulièrement le dernier, montrent qu’il se fit plus à sa force physique qu’à sa force morale. Ce meunier était un vigoureux compère pour les nonnes ; il était d’une chair très-musculeuse, et avait des os athlétiques, lesquels, n’importe où il allait, pouvaient lui faire espérer de gagner le prix du bélier à la lutte à bras le corps ; il avait de larges épaules ramassées, et c’était un vigoureux gaillard : il n’existait pas de porte dont il eût fait sauter la barre ou qu’il n’eût enfoncée d’un seul choc de sa tête. a. m.
  2. Snood, ruban qui retenait les cheveux des vierges écossaises. a. m.