Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/162

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avec la même précipitation, et ne s’arrêta ni ne regarda autour de lui jusqu’à ce qu’il eût atteint la fontaine où le ruisseau prenait sa source.

Là, s’arrêtant brusquement, Halbert jeta autour de lui un regard sombre et égaré. En face de lui s’élevait un immense rocher ; dans une crevasse de ce rocher croissait spontanément un houx, dont les branches d’un vert sombre ombrageaient la fontaine et traînaient sur les bords. Les côtés du ravin étaient si élevés et tellement rapprochés qu’à peine, lorsque le soleil était à son méridien, et à l’époque du solstice d’été, quelques rayons pouvaient éclairer le fond de cette espèce d’abîme. On était alors dans l’été, il était midi, de sorte que le soleil se réfléchissait d’une manière inusitée dans la fontaine, et une lumière brillante semblait se jouer dans l’eau limpide.

« C’est la saison et l’heure, » dit Halbert en lui-même, et je pourrais maintenant… oui, je pourrais bientôt devenir plus savant qu’Édouard, malgré toutes les peines qu’il se donne ; Marie verrait s’il est le seul à consulter, le seul qui puisse s’asseoir à côté d’elle, se pencher sur elle quand elle lit, pour lui montrer chaque mot et chaque lettre. Et cependant elle m’aime plus qu’elle ne l’aime ; j’en suis sûr, car elle est d’un sang noble et elle doit mépriser l’indolence et la poltronnerie… Et ne resté-je pas ici aussi lâche qu’un moine ?… Pourquoi craindrais-je d’évoquer cet esprit, cette ombre ? J’ai déjà éprouvé l’effet de cette vision ; et pourquoi ne m’y exposerais-je pas de nouveau ? Que peut me faire cet esprit, à moi qui suis fort et robuste, et qui porte à mon côté l’épée de mon père ?… Est-ce que mon cœur palpite ? Est-ce que mes cheveux se dressent à l’idée d’évoquer une ombre à peine colorée ? Et comment ferais-je face à une troupe d’hommes du Sud, composés de chair et de sang ? Par l’âme du premier des Glendinning ! je veux essayer le charme. »

Il ôta de son pied droit son brogue[1] ou brodequin de cuir, prit une attitude ferme, et tira son épée du fourreau. Après avoir regardé autour de lui pour recueillir toute sa résolution, il s’inclina hardiment trois fois devant le houx, et autant de fois devant la fontaine, récitant en même temps, d’une voix ferme, les vers suivants :

Buisson de houx, trois fois je te salue ;

  1. Espèce de soulier grossièrement fait, porté par les montagnards d’Écosse. a. m.