Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il ne s’était proposé de rester. Un vent froid de l’est agitait les feuilles desséchées et les arrachait des tiges qu’elles avaient ornées autrefois.

« C’est ainsi, dit le moine, que la vallée du temps nous offre une perspective plus désolée à mesure que nous descendons sur le fleuve des années. J’ai bien peu gagné par ce voyage, excepté la certitude que l’hérésie se propage parmi nous avec une rapidité extraordinaire ; et que cet esprit d’impiété, qui fait insulter les ordres religieux et piller les domaines de l’Église, esprit qui n’était répandu que dans la partie orientale de l’Écosse, se rapproche maintenant de nous. »

Le bruit du pas d’un cheval qui venait derrière lui interrompit sa rêverie ; ce cheval était monté par le même cavalier farouche que le moine avait laissé à la tour.

« Bon soir, mon fils, et que la bénédiction du ciel vous accompagne ! » dit le sous-prieur en le voyant passer ; mais le soldat brutal lui rendit à peine le salut par une légère inclination de tête, et enfonçant les éperons dans les flancs de son cheval, il avança d’un pas à laisser en un instant le moine et sa mule bien loin derrière lui.

« Et voilà, reprit le père Eustache, un autre fléau de notre temps, un rustre que sa naissance avait destiné à cultiver la terre, mais qui, perverti par les divisions impies et antichrétiennes du pays, est devenu un brigand audacieux, étranger à tout sentiment de piété. Les barons écossais sont à présent des chefs de maraudeurs, opprimant le pauvre par la violence, et ruinant l’Église en extorquant des séjours à discrétion, sans honte comme sans motifs, dans les abbayes et les prieurés. Mais je crains d’arriver trop tard pour conseiller à l’abbé de résister fermement à ces audacieux sorners[1]. Il faut que je me hâte. » En même temps il donna un coup de houssine à sa mule ; mais l’animal, au lieu d’aller plus vite, fit un écart subit hors du sentier, et tous les efforts du cavalier ne purent le faire avancer d’un pas.

  1. Sorners. To sorne, en Écosse, signifie exiger le logement contre le gré du propriétaire. Un statut de l’an 1445 déclare cette extorsion équivalente au vol. Les chefs puissants extorquaient cruellement les monastères par des exactions de ce genre. La communauté d’Aberbrothewick porta plainte contre un comte d’Angus, je crois, qui s’était fait une habitude de la visiter régulièrement chaque année avec une suite de mille cavaliers, et de séjourner dans le couvent jusqu’à ce que toutes les provisions d’hiver fussent épuisées. a. m.