Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/13

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fut induit à la belle théorie, quoique presque oubliée, des esprits célestes ou des créatures des éléments, surpassant les êtres humains en science et en pouvoir, mais inférieurs à eux, comme étant sujets, après un certain nombre d’années, à la mort qui les annule, et comme n’ayant point de part aux promesses faites aux enfants d’Adam. Ces esprits sont supposés être de quatre espèces distinctes, de même que les éléments dont ils tirent leur origine, et ils sont connus de ceux qui ont étudié la philosophie cabalistique sous les noms de Sylphes, Gnomes, Salamandres et Naïades, c’est-à-dire appartenant à l’air, à la terre, au feu ou à l’eau. Les lecteurs trouveront un abrégé intéressant de ces esprits élémentaires dans un écrit intitulé : Entretiens du comte de Gabalis. L’ingénieux comte de la Motte Fouqué composa en allemand une des productions les plus remarquables de son fertile cerveau, production dans laquelle intervient avec un grand effet une nymphe des eaux qui perd le privilège de l’immortalité, en consentant à devenir accessible aux sentiments humains, et en unissant sa destinée à celle d’un mortel qui la paie ensuite d’ingratitude. En imitation d’un exemple si heureux, la Dame Blanche d’Avenel fut introduite dans le roman du Monastère. Elle est représentée comme étant liée avec la famille d’Avenel par un de ces liens mystiques qui, dans les anciens temps, étaient supposés exister, dans certaines circonstances, entre les créatures des éléments et les enfants des hommes. De pareils exemples d’unions mystérieuses se retrouvent en Irlande dans les familles réelles de Milésians, qui sont possédées d’un ban-shie ou esprit des eaux ; et les traditions des montagnards écossais en rapportent de semblables ; ces montagnards, en beaucoup de cas, attachaient un être immortel ou esprit au service de familles ou tribus particulières. Ces démons, si on peut les appeler ainsi, annonçaient la bonne ou la mauvaise fortune à laquelle ils étaient liés, et pendant que quelques-uns seulement condescendaient à se mêler d’affaires importantes, d’autres, comme May-Mollach, ou la Vierge des Bras chevelus, consentaient d’ordinaire à s’immiscer dans les jeux, et même à apprendre au chef de la famille à jouer aux dames.

Ce n’était donc pas faire une grande violence à la théorie que de supposer qu’un être comme celui-ci eût existé, dans le même temps où l’on croyait aux esprits des éléments ; mais il était plus difficile de créer ou d’imaginer ses attributs et ses principes d’action. Shakspeare, première des autorités en ce genre, a peint