Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/119

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Et il se mit de nouveau à fredonner :

« Bonsoir Kelpy ! bonne nuit, bonne chasse ! »

Puis, se contraignant, quoique avec difficulté, il s’écria : Ce n’est que trop certain… je suis un prêtre perdu ! Nageons gaiement ! Je le chanterai même à la messe. Malheureux que je suis ! je le chanterai tout le reste de ma vie, et ne pourrai jamais chanter un autre air. »

Le bon abbé répliqua qu’il connaissait plus d’un brave homme qui était dans le même cas, et termina sa remarque par un ho ! ho ! ho ! car Sa Révérence, comme le lecteur a déjà eu l’occasion de s’en apercevoir, était un de ces esprits un peu lourds qui aiment la plaisanterie inoffensive.

Le sacristain, parfaitement au courant du caractère de son supérieur, essaya de rire avec lui ; mais sa malheureuse chanson vint encore à frapper son imagination, et interrompit son écho.

« Par la sainte Croix, frère Philippe, dit l’abbé extrêmement agité, vous devenez tout à fait insupportable, et je suis convaincu qu’un pareil sort ne pourrait long-temps conserver de pouvoir sur un homme qui a de la religion, et qui habite une sainte maison, s’il n’était en état de péché mortel. C’est pourquoi, récitez les sept psaumes de la pénitence, faites un fréquent usage de la discipline et de la haire, abstenez-vous pendant trois jours de toute nourriture, sauf de pain et d’eau. Je vous confesserai moi-même, et nous verrons s’il est possible de chasser ce démon chantant qui vous possède ; je crois du moins que le père Eustache ne pourrait imaginer un meilleur exorcisme. »

Le sacristain poussa un profond soupir ; mais il savait que toute objection était inutile. Il retourna dans sa cellule pour essayer jusqu’à quel point la psalmodie serait efficace pour faire oublier le chant de la sirène qui lui avait causé une si vive impression.

Pendant ce temps, le père Eustache s’acheminait vers le pont-levis pour se rendre au vallon solitaire de Glendearg. Dans une conversation avec le gardien bourru, il eut l’adresse de le rendre un peu plus traitable sur la contestation entre lui et le couvent. Il lui rappela que son père avait été vassal de la communauté, que son frère n’avait point d’enfants, qu’après la mort de celui-ci les biens reviendraient à l’Église, et qu’ils pourraient alors être concédés, soit au gardien lui-même, soit à quelque autre personne