Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/96

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tait suivant l’usage des femmes de sa nation. Son turban de soie jaune s’appropriait assez avec son teint un peu bruni. L’éclat de ses yeux, l’arc parfait de ses sourcils, son nez aquilin gracieusement formé, ses dents aussi blanches que des perles, et la profusion de ses cheveux noirs, dont les tresses descendaient en spirales sur un cou blanc comme neige et sur une gorge d’ivoire, du moins sur tout ce qu’une simarre de soie de Perse la plus riche laissait apercevoir ; tout en elle présentait l’assemblage de charmes qui ne le cédaient à aucune des beautés orgueilleuses dont elle était environnée. Il est vrai que des agrafes d’or garnies de perles qui fermaient sa robe depuis le col jusqu’à la ceinture, les trois plus hautes avaient été ouvertes à cause de la chaleur, et offraient aux regards une partie un peu plus considérable de l’endroit enchanteur auquel nous faisons allusion. De cette manière, on distinguait plus aisément un collier de diamants et des boucles d’oreilles d’une valeur inappréciable. Une plume d’autruche flottait sur son turban, où elle était fixée par une agrafe en brillant, autre emblème distinctif de la belle juive, devenue, à cause de cela, l’objet de la moquerie et des sarcasmes des dames hautaines placées au dessus d’elle, mais qui secrètement enviaient les charmes qu’elles avaient l’air de mépriser. « Par la tête chauve d’Abraham, dit le prince Jean, cette juive que j’aperçois là-bas est le vrai modèle de la perfection, comme celle dont les charmes ensorcelèrent le roi le plus sage qui ait jamais vécu. Qu’en dis-tu, prieur Aymer ? Par le temple que mon frère Richard, plus prudent que ce roi, n’a pu recouvrer, c’est la fiancée du Cantique des cantiques.

— La rose de Sharon et le lis de la vallée, répondit le prieur d’un air goguenard ; mais votre grâce doit se rappeler que ce n’est qu’une juive.

— Oui, ajouta le prince Jean sans le regarder, et voilà aussi le mammon d’iniquité, le marquis des marcs d’argent, le baron des besans, qui se querelle pour une place avec des chiens sans un denier, dont les habits usés et déchirés ne contiennent pas dans les poches une seule pièce marquée à la croix pour empêcher le diable d’y danser. Par le corps de saint Marc ! mon prince des subsides, avec son aimable juive, aura place dans la galerie. Quelle est cette belle, Isaac, lui demanda-t-il ; est-ce ta femme ou ta fille que cette houri orientale que tu tiens sous le bras ?

— C’est ma fille Rébecca, s’il plaît à votre grâce, répondit Isaac en faisant un profond salut.