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portraits ; et pour éviter d’être commun, il devient extravagant.

Il n’était peut-être pas nécessaire d’énumérer toutes les raisons qui ont engagé l’auteur des Romans écossais[1], comme on les appelait naguère, à s’essayer sur un sujet purement anglais. Il avait d’abord l’intention de rendre cette épreuve aussi complète que possible, en présentant cet ouvrage au public comme le travail d’un nouveau candidat à ses faveurs, afin que nulle prévention, favorable ou contraire, ne pût s’attacher à cette nouvelle production de l’auteur de Waverley ; mais il abandonna cette idée pour les motifs qui seront expliqués plus bas.

Il a choisi le règne de Richard Ier comme époque des événements qu’il raconte, non seulement parce que ce règne abonde en caractères et en personnages propres à exciter l’intérêt général, mais encore parce qu’il présente un contraste frappant entre les Saxons qui cultivaient le sol, et les Normands qui régnaient encore en conquérants, répugnant à se mêler avec les vaincus ou à se reconnaître de la même famille. L’idée de ce contraste fut puisée dans la tragédie de Runnamede, de l’ingénieux et infortuné Logan, dans laquelle, vers la même époque, les barons saxons et les barons normands sont opposés les uns aux autres sur diverses parties de la scène : car l’auteur ne se rappelle pas que l’on ait songé à faire ressortir dans cette pièce le contraste du costume et des sentiments de ces deux races ; et d’ailleurs il est clair que la vérité historique est violée lorsqu’on représente comme un peuple fier, intrépide et éclairé, les Saxons qui existaient alors.

Il est vrai que les Saxons survécurent comme peuple, et que quelques unes des anciennes familles possédèrent et puissance et richesses ; mais c’étaient là des exceptions au milieu de l’avilissement général de la race. L’existence simultanée des deux peuples dans le même pays ; les vaincus, remarquables par leurs mœurs simples, rudes et grossières, en même temps que par un esprit démocratique qu’ils devaient à leurs anciennes lois et à leurs anciennes institutions ; les vainqueurs, par un insatiable amour pour la gloire militaire, les aventures hasardeuses, et tout ce qui faisait d’eux la fleur de la chevalerie : tout cela pourrait, joint à d’autres caractères appartenant à la même époque et à la même contrée, intéresser le lecteur par les contrastes, si l’auteur ne restait point trop au dessous de son sujet.

Dans ces derniers temps, l’Écosse a été si exclusivement choisie

  1. Scotish novels. a. m.