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INTRODUCTION


mise en tête de la dernière édition d’édimbourg.


Jusqu’à ce jour l’auteur de Waverley a marché sans interruption dans la voie de la popularité ; il pourrait être appelé l’enfant gâté du succès dans le genre de littérature auquel il a consacré sa plume. Cependant il était à craindre que des publications trop fréquentes ne finissent par user la faveur que lui accordait le public s’il n’essayait de leur donner un air de nouveauté. Les coutumes, les dialectes, le caractère distinctif des Écossais étant le sujet dont il avait la connaissance la plus intime et la plus familière, il s’était jusqu’ici tenu de préférence sur ce terrain, afin de donner plus de couleur à ses récits. Mais l’intérêt qu’ils inspirent se fût émoussé par la monotonie des répétitions, si l’auteur n’eût senti qu’en employant toujours les mêmes moyens il courait le danger d’entendre le lecteur s’écrier comme Edwin, dans le conte de Parnell :

Reprends ton charme et finis ta roulade,
Car on a vu commencer la gambade.

Rien n’est plus nuisible à la réputation d’un homme qui cultive les arts libéraux que de laisser attacher son nom à un genre particulier de composition ou de style, et d’entretenir la croyance, s’il peut prouver le contraire, que, hors de ces limites, il ne saurait obtenir de succès. En général, le public est assez porté à croire que celui qui excelle dans un mode spécial de composition, est par cela même incapable de réussir dans un autre. On reconnaît souvent ce préjugé du public envers les artisans de ses plaisirs, par les censures dont les critiques vulgaires accablent les acteurs ou les artistes qui cherchent à augmenter leurs succès en changeant le caractère de leurs efforts, afin d’agrandir la sphère de leur art.

Dans cette opinion, comme dans toutes celles qui s’appuient sur l’assentiment général, il y a une apparence de raison. En effet, il arrive souvent au théâtre qu’un acteur qui possède toutes les qualités extérieures nécessaires pour bien jouer la comédie, ne saurait s’élever à une certaine hauteur dans le genre tragique ; parfois aussi, dans les compositions littéraires ou artistiques, un peintre ou un poète brilleront exclusivement dans la réalisation de certaines formes de la pensée, dans une puissance particulière