Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/485

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d’abord parce qu’il reconnaissait l’impossibilité d’en délivrer l’Angleterre, sentiment qui manque rarement d’inspirer de la loyauté aux sujets ; ensuite par les égards personnels que lui témoignait le roi Richard, qui, s’il faut en croire le manuscrit de Wardour, flatta si bien l’humeur sauvage de Cedric, qu’avant que celui-ci eût passé une semaine à sa cour, il donna son consentement au mariage de sa pupille avec son fils.

L’union de notre héros, ainsi approuvée par son père, fut célébrée dans le plus auguste des temples, la noble cathédrale d’York. Le roi lui-même y assista, et la bienveillance qu’il témoigna en cette occasion, ainsi que dans plusieurs autres, à ses sujets saxons, jusqu’alors opprimés, leur donna plus d’espoir d’être traités moins sévèrement et de voir leurs droits enfin respectés sans être de nouveau exposés aux chances d’une guerre civile. L’Église romaine déploya toutes ses pompes pour cette grande et mémoirable solennité.

Gurth resta attaché en qualité d’écuyer à son jeune maître, qu’il avait servi avec tant de fidélité ; et le courageux Wamba, paré d’un nouveau bonnet de fou et d’une plus ample garniture de sonnettes d’argent, passa de même au service d’Ivanhoe, avec le consentement du père de ce dernier. Le gardeur de pourceaux et le jovial bouffon, ayant tous deux partagé les périls et l’adversité de Wilfrid, demeurèrent près de lui pour partager sa prospérité.

Outre cette faveur accordée aux gens de Cedric, on invita les Normands et les Saxons de haut parage à la célébration de ce brillant mariage ; et, depuis cette époque, les deux races se sont tellement mêlées et identifiées, qu’il ne serait plus possible de les distinguer. Cedric vécut assez long-temps pour voir cette fusion complètement opérée ; car, à mesure que les deux peuples eurent des rapports plus fréquents, plus intimes, et contractèrent des alliances de famille, les Normands se montrèrent moins orgueilleux et les Saxons devinrent plus civilisés. Ce ne fut néanmoins que cent ans après, c’est-à-dire sous le règne d’Édouard III, que la nouvelle langue qui est aujourd’hui la langue anglaise fut parlée à la cour, et que toute distinction hostile de Normand et de Saxon disparut entièrement.

Le surlendemain de cet heureux hyménée, lady Rowena fut informée par sa suivante Elgitha qu’une damoiselle demandait à être admise en sa présence, et désirait lui parler sans témoin. Rowena étonnée balança d’abord ; mais enfin, cédant à la curiosité, elle donna l’ordre d’introduire l’étrangère, et fit retirer tout son monde,