Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/462

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avait sans doute attendri son cœur, car, au lieu de ma cruche d’eau et de mon pain d’orge, il me laissa une tranche de pâté et un flacon de vin. Je mangeai, je bus, et je me sentis fortifié ; alors, pour surcroît de bonheur, je m’aperçus que la porte était restée entr’ouverte, et que si le sacristain (par bonheur pour moi !), trop vieux pour remplir convenablement les devoirs de sa place, en avait tourné la clef, le pêne n’était pas entré dans la gâche. La clarté, la nourriture, le vin, stimulèrent mon industrie. L’anneau auquel mes chaînes étaient attachées était plus rouillé que le scélérat d’abbé ni moi-même ne l’avions cru d’abord, car le fer même ne pourrait résister à l’action de l’humidité dans cet infernal donjon.

— Reprends haleine, noble Athelstane, dit Richard, et goûte quelques rafraîchissements avant de continuer ta narration.

— Des rafraîchissements ? j’ai fait cinq repas aujourd’hui : cependant une tranche de cet appétissant jambon ne gâterait rien à mon affaire. Voulez-vous, sire chevalier, me faire raison d’une rasade ? »

Bien que plongés encore dans le plus grand étonnement, Richard, Cedric et Wilfrid burent à la santé de leur hôte ressuscité, qui continua ensuite son récit. Ses auditeurs étaient devenus beaucoup plus nombreux ; car Édith, après avoir donné à la hâte quelques ordres nécessités par la résurrection de son fils, avait suivi le mort-vivant jusqu’à l’appartement destiné aux étrangers, et elle y avait été suivie d’autant de monde, hommes et femmes, que la chambre pouvait en contenir ; tandis que les autres, se pressant sur l’escalier, recevaient de ceux qui étaient le mieux placés une édition fautive de cette histoire ; ceux-ci la transmettaient plus inexactement encore à ceux qui étaient plus bas, et ceux ci encore la faisaient passer à la foule qui se trouvait au dehors : de cette manière, elle arrivait dans la cour tout-à-fait méconnaissable.

« Voyant que ma chaîne ne tenait plus à l’anneau, continua Athelstane, je me traînai au haut de l’escalier aussi bien que le peut un homme chargé de fers et affaibli par le jeûne ; et après avoir marché long temps à tâtons, le chant d’un gai couplet dirigea mes pas jusque dans un appartement où le digne sacristain, sauf respect, était occupé à dire la messe du diable avec un gros frère en froc et en capuchon, un drôle à larges épaules, qui avait plutôt l’air d’un voleur que d’un homme d’église. Je me précipitai au milieu d’eux ; et le linceul qui me couvrait, le bruit que faisaient mes chaînes en s’entre-choquant, me firent prendre d’eux plutôt