Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/449

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tes que tu as pu commettre ? penses-tu que ma parole soit une plume que le vent pousse alternativement de moi à toi et de toi à moi ? D’ailleurs, je ne sache pas que tu aies commis aucune offense nouvelle.

— Il n’est cependant que trop vrai ! répondit l’archer, si c’est offenser mon prince que de le tromper à son avantage. Le cor que vous avez entendu n’est pas celui de Malvoisin ; c’est par mon ordre qu’on l’a sonné pour mettre fin à un banquet qui usurpait sur des instants trop chers pour qu’on en abusât davantage, »

Robin Hood, ayant cessé de parler, se leva, et, croisant ses bras sur sa poitrine d’un air plutôt respectueux que craintif, il attendit la réponse du roi comme quelqu’un qui sait qu’il a pu commettre une offense, mais qui se sent fort de la pureté de ses intentions. La colère fit monter le sang au visage de Richard, mais le sentiment de la justice eut bientôt surmonté cette émotion passagère.

« Le roi de Sherwood, dit-il, se montre avare de son gibier et de son vin envers le roi d’Angleterre ! Fort bien, audacieux Robin. Quand tu viendras me voir dans ma bonne ville de Londres, je te montrerai que je ne suis pas un hôte aussi chiche que toi… Tu as bien fait cependant, mon brave ami. Vite à cheval, et partons. Aussi bien, Wilfrid frémit d’impatience depuis une heure. Dis-moi, brave Robin, as-tu dans ta troupe un ami qui, non content de te donner des avis, veuille encore diriger tous tes mouvements, et montre de l’humeur quand tu fais ta volonté et non la sienne ?

— Tel est mon lieutenant Little-John[1], dit Robin, qui en ce moment fait une expédition sur la terre d’Écosse ; et j’avoue que je suis quelquefois contrarié de la liberté de ses conseils : cependant je ne puis garder de rancune contre lui lorsque je pense qu’il n’a d’autre motif d’inquiétude que l’intérêt de son chef et de ses amis.

— C’est juste, brave archer ; mais si j’avais d’un côté Ivanhoe pour me donner de graves avis et les appuyer par la triste gravité de son front, et toi de l’autre pour me forcer par la ruse à faire ce que tu croirais m’être avantageux, je serais aussi peu maître de ma volonté qu’aucun roi de la chrétienté ou du pays des infidèles. Mais, allons, messieurs, partons gaiement pour Coningshurg, et n’y pensons plus. »

Robin Hood lui dit qu’il avait envoyé un parti en avant sur le chemin qu’il devait parcourir ; que s’il existait quelque embuscade, celui qui commandait ce détachement ne manquerait pas de la dé-

  1. Petit-Jean. a. m.