Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/429

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— Veuillez donc, révérend prieur, me la faire amener sur-le-champ, et faire dire à Gurth de m’apporter mes armes.

— Je dois vous dire, mon fils, que Malkin n’est pas plus aguerrie que son maître, et il serait possible qu’elle se refuse à vous porter, lorsqu’elle vous verra revêtu de votre armure. Je vous assure que c’est un animal rempli d’intelligence, et qui ne souffre pas un fardeau incommode : un jour, j’empruntai au prieur de Saint-Bees le Fructus temporum[1], et elle se refusa obstinément à franchir la porte du couvent jusqu’à ce que, me débarrassant de l’énorme in-folio, j’aie repris mon bréviaire.

— Fiez-vous à moi, mon père, dit Ivanhoe, je ne l’accablerai point d’un trop lourd fardeau, et si Malkin me provoque au combat, je vous promets que je saurai triompher d’elle. »

Gurth arriva en ce moment, et attacha aux talons du chevalier une paire de grands éperons dorés propres à convaincre le cheval le plus rétif que le meilleur parti à prendre est de se conformer aux volontés de son cavalier. Cette vue inspira des craintes au prieur pour sa chère monture, et il commença à se repentir intérieurement de sa courtoisie. « J’ai oublié, dit-il, de vous prévenir, sire chevalier, que ma mule se cabre au premier coup d’éperon. Il vaudrait mieux que vous prissiez dans la grange la mule de notre pourvoyeur. Je puis l’envoyer chercher, et elle sera prête en moins d’une heure. Elle ne saurait être que fort douce, ayant fait récemment toute notre provision de bois pour l’hiver, et ne recevant jamais un grain d’avoine pour nourriture.

— Je vous remercie, révérend père, mais je m’en tiendrai à votre première offre, puisque déjà votre Malkin est sortie et a franchi la porte principale. Gurth portera mon armure en croupe ; ainsi vous voyez que le dos de Malkin ne sera pas surchargé, et qu’elle n’aura aucune raison à alléguer pour lasser ma patience. Maintenant, recevez mes adieux. »

Ivanhoe descendit l’escalier plus vite et plus aisément que sa blessure ne l’eût fait espérer. Il sauta lestement sur la jument, joyeux d’échapper aux importunes recommandations du prieur qui le suivait aussi vite que son âge et son embonpoint le permettaient, tantôt chantant les louanges de Malkin, tantôt recommandant au chevalier de ne point la trop fatiguer. « Elle entre dans sa quinzième

  1. Mot à mot, Fruit des temps : ouvrage théologique presque inconnu aujourd’hui, et qui sans doute était aussi lourd de raisonnement que de son poids matériel. a. m.