Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/417

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— Répit bien court apporté à une mort si prochaine ! il me sera de bien peu d’utilité ! C’est là tout ce que tu as pu faire pour une infortunée sur la tête de qui tu as accumulé tant de chagrins, que tu as conduite jusqu’aux portes du tombeau !

— Non, Rébecca ; non, ce n’est pas là tout ce que je me proposais. Sans la maudite intervention de ce vieux fanatique, de ce vieux fou de Goodalricke, qui, quoique templier, affecte néanmoins de se conformer dans les jugements aux lois ordinaires de l’humanité, l’office de champion de l’ordre aurait été dévolu à un simple chevalier et non à un précepteur, à celui surtout que Beaumanoir voudrait en expulser, à celui qui, aux yeux de ces imbéciles, est le complice ou la victime de tes prétendus sortilèges. Alors moi-même, car tel était mon projet, au premier son de la trompette, je me présentais dans la lice comme ton champion, sous le déguisement d’un chevalier errant qui va à la recherche des aventures pour prouver la bonté de son bouclier et de sa lance ; et puis, que Beaumanoir choisisse, non pas un, mais deux, trois des frères qui se trouvent maintenant ici, d’un seul coup de lance je leur fais vider les étriers. C’est ainsi, Rébecca, que ton innocence aurait été prouvée ; et je m’en serais remis à ta reconnaissance pour récompenser ton libérateur.

— Tout cela, sire chevalier, n’est que pure fanfaronnade ; car tu te fais un mérite de ce que tu aurais fait si tu n’avais pas trouvé convenable d’agir autrement. Tu as reçu mon gant ; et mon champion, si une créature aussi délaissée peut en trouver un, doit s’exposer aux coups de ta lance dans la lice : néanmoins tu viens jouer devant moi le rôle d’un ami, d’un protecteur !

— Oui, un ami et un protecteur ! » répéta gravement le templier : « je veux encore l’être ; mais faites bien attention à quel risque, ou plutôt avec quelle certitude de déshonneur, et ne me blâmez pas si je stipule mes conditions avant de sacrifier tout ce que j’ai jamais eu de plus cher au monde pour sauver les jours d’une jeune fille juive.

— Parle, dit Rébecca ; je ne te comprends point.

— Eh bien ! je vais te parler avec autant de franchise que jamais bigot pénitent ait parlé à son père spirituel en se présentant au tribunal de la pénitence. Rébecca, si je ne comparais pas dans la lice ; je perds mon rang et ma réputation ; je perds ce qui m’est plus cher que l’air que je respire, je veux dire l’estime dont mes frères m’honorent, et l’espoir que j’ai d’être un jour investi de cette suprême