Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est un délai bien court pour qu’une étrangère, une femme d’une autre religion que la vôtre, trouve un homme qui consente à combattre et à exposer pour elle sa vie et son honneur, interrompit Rébecca.

— Nous ne pouvons le prolonger, lui répondit le grand-maître. Le combat doit avoir lieu en notre présence, et de puissants motifs nous appellent ailleurs le quatrième jour.

— Que la volonté de Dieu soit faite ! dit Rébecca. Je mets ma confiance en celui qui, en un instant, peut me sauver aussi efficacement que par une longue suite de siècles.

— Tu as bien parlé, jeune fille, lui répondit Beaumanoir ; mais nous savons quel est celui qui peut se couvrir d’une armure terrestre ou emprunter la ressemblance d’un ange de lumière. Il ne reste plus qu’à désigner le lieu du combat, qui, s’il y a lieu, deviendra celui de l’exécution. Où est le précepteur Malvoisin ? »

Albert Malvoisin, tenant encore le gant de Rébecca, était en ce moment près de Bois-Guilbert, à qui il parlait d’un air animé, mais à voix basse.

« Quoi ! dit le grand-maitre, refuse-t-il de recevoir le gage de bataille ?

— Il le recevra, il le reçoit, éminentissime père, » répondit Malvoisin en cachant le gant sous son manteau. « Quant au lieu du combat, je pense qu’il n’en est pas de plus convenable que le clos de Saint-George, qui dépend de cette préceptorerie, et où nous faisons ordinairement nos exercices militaires.

— C’est bien, dit le grand-maître… Rébecca, c’est dans cette lice que tu devras présenter ton champion ; et s’il ne s’en présente aucun, ou si celui qui se sera présenté succombe, tu mourras de la mort des sorcières : telle est notre sentence. Que ce jugement soit consigné dans nos registres, et qu’on en fasse lecture à haute voix, afin que personne n’en prétende cause d’ignorance. »

L’un des chapelains qui remplissaient les fonctions de greffier inscrivit ce jugement sur un énorme registre qui contenait les procès-verbaux des séances solennelles des chevaliers du Temple, et lorsqu’il eut fini, l’autre lut à haute voix la sentence du grand-maître, rédigée en ces termes ;

« Rébecca, juive, fille d’Isaac d’York, atteinte et convaincue de sorcellerie, de séduction et autres pratiques infernales exercées contre un chevalier du très saint ordre du temple de Sion, nie cette accusation, et dit que le témoignage porté contre elle est faux, mé-