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qui ont échappé malgré lui à ce malheureux chevalier, contre qui, nous le voyons, l’ennemi est trop puissant. As-tu quelque autre chose à dire ?

— Vos lois barbares m’offrent une dernière chance pour sauver ma vie, répondit Rébecca. Cette vie a été misérable, bien misérable, du moins dans ces derniers temps ; mais je ne laisserai pas périr un don que j’ai reçu de la main de Dieu, tant qu’il me restera quelque moyen de le défendre. Je suis innocente ; je repousse de toutes mes forces l’accusation calomnieuse portée contre moi, et je réclame le privilège du combat en champ clos, où un champion comparaîtra pour moi.

— Et qui voudra, reprit le grand-maître, lever la lance pour une sorcière ? Qui osera se présenter comme le champion d’une juive ?

— Dieu me suscitera un défenseur, répondit Rébecca. Il est impossible que dans l’heureuse Angleterre, sur cette terre hospitalière, chez cette nation généreuse et libre, où l’on trouve un si grand nombre de chevaliers toujours prêts à hasarder leur vie pour un stérile honneur, il ne s’en trouve un, un seul, qui veuille combattre pour la justice. Mais il suffit que je réclame le privilège du combat, et voici mon gage. »

À ces mots elle ôta un de ses gants, qui étaient élégamment brodés, et le jeta devant le grand-maître avec un air de modestie et de dignité qui excita une surprise et une admiration générale.


CHAPITRE XXXVIII.


Je jette là mon gage pour te prouver la vérité de ce que j’avance, jusqu’au dernier degré de la valeur martiale
Shakspeare, Richard II.


Lucas de Beaumanoir lui-même se sentit ému par l’air de noblesse et le maintien décent de Rébecca. Il n’était naturellement ni cruel, ni même sévère, mais son caractère froid, qui l’avait protégé contre l’ardeur des passions, uni à un sentiment élevé, quoique faux, lui faisait regarder comme la voix du devoir les impulsions d’un cœur endurci par l’effet d’une vie ascétique et par l’exercice du pouvoir suprême, non moins que par l’obligation toute particulière où il croyait être d’extirper l’hérésie et de sub-