Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/385

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ne veut faire que sa volonté : En vérité, je crois que le vieux Lucas de Beaumanoir a deviné juste en disant qu’elle a jeté un sort sur vous.

— Lucas de Beaumanoir ! s’écria Bois-Guilbert. Sont-ce là vos précautions, Malvoisin ? Tu as souffert que ce vieux radoteur apprît que Rébecca est dans la préceptorerie ?

— Comment pouvais-je l’empêcher ? Je n’ai rien négligé pour lui cacher ce secret ; mais il est trahi ; et si c’est par le diable ou par un homme, il n’y a que le diable qui le sache. J’ai cependant arrangé les choses aussi bien que j’ai pu. Vous n’avez rien à craindre si vous renoncez à Rébecca. On vous plaint, on vous regarde comme une victime de la sorcellerie. Quant à Rébecca, c’est une sorcière, et elle périra comme telle.

— Elle ne périra pas, de par le ciel ! s’écria Bois-Guilbert.

— De par le ciel, il faut qu’elle périsse, et elle périra ! répliqua Malvoisin ; ni vous, ni qui que ce soit ne la sauvera. Lucas de Beaumanoir est fermement persuadé que la mort de la juive sera une offrande suffisante pour expier toutes les peccadilles amoureuses des chevaliers du Temple ; et tu sais que s’il se met dans la tête un dessein aussi raisonnable et aussi pieux, il aura aussi le pouvoir de l’exécuter.

— Les siècles futurs pourront-ils croire qu’un fanatisme aussi stupide ait jamais existé ? » s’écria Bois-Guilbert en se promenant à grands pas dans l’appartement.

« Je ne sais ce que croiront les siècles futurs, » dit Malvoisin d’un ton calme ; « mais je sais bien que dans celui-ci, sur cent individus, soit clercs, soit laïques, il s’en trouvera quatre-vingt-dix-neuf qui crieront amen à la sentence du grand-maître.

— J’y suis ! dit Bois-Guilbert. Albert, tu es mon ami. Il faut que tu favorises l’évasion de Rébecca, et je la ferai transporter dans un endroit plus sûr et plus secret.

— Quand je le voudrais, je ne le pourrais pas. La maison est remplie des gens de la suite du grand-maître, et tous lui sont dévoués ; tous ont l’œil ouvert sur nous ; c’est à eux qu’il a confié la garde de la porte et des murailles. D’ailleurs, à vous parler franchement, mon camarade, je ne suis nullement disposé à m’embarquer avec vous dans cette affaire, quand même je pourrais espérer de conduire ma barque heureusement au port. J’ai déjà couru assez de risques pour l’amour de vous ; je n’ai pas envie de courir encore celui de la dégradation, ou de la perte de ma préceptorerie, pour les