Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/368

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ruiné de Torquilstone : aussi le Juif avait-il l’espoir d’y arriver avant la nuit. En conséquence, après être sorti de la forêt, il congédia ses guides après avoir récompensé leur zèle en donnant à chacun d’eux une pièce d’argent, et reprit sa route avec toute la diligence que lui permettait sa fatigue : mais à environ quatre milles de Templestowe, les forces lui manquèrent tout-à-fait ; il ressentit dans tous les membres des douleurs que les angoisses de son esprit rendaient plus aiguës encore : bref, il fut contraint de s’arrêter dans une petite ville où demeurait un rabbin de sa tribu, médecin renommé, et dont il était connu. Nathan-Ben-Israël accueillit son coreligionnaire souffrant, avec cette généreuse hospitalité que la loi divine commande, et que les Juifs exerçaient les uns envers les autres. Il insista sur la nécessité de prendre quelque repos, et lui administra les médicaments regardés alors comme les plus propres à arrêter les progrès d’une fièvre occasionée par la terreur, la fatigue et le chagrin.

Le lendemain matin, lorsque Isaac parla de se lever et de continuer sa route, Nathan chercha à s’opposer à ce dessein, non seulement comme ami, mais encore comme médecin, lui disant qu’il compromettait le salut de sa vie ; mais Isaac répondit qu’il fallait absolument qu’il se rendît ce jour-là même à Templestowe, et qu’il y allait pour lui de plus que la vie.

« À Templestowe ! » s’écria son hôte étonné : puis, lui tâtant de nouveau le pouls, il se dit à lui-même : « La fièvre n’est plus aussi forte, et cependant il paraît tomber dans le délire. »

« Et pourquoi n’irais-je pas à Templestowe ? répondit le malade. Je conviens avec toi, Nathan, que c’est la demeure de ceux pour qui les enfants de la Promesse, accablés de mépris, sont une pierre d’achoppement, et qui ont notre peuple en abomination ; mais tu n’ignores pas que des affaires de commerce nous conduisent quelquefois parmi ces Nazaréens altérés de sang, et nous mettent même dans la nécessité de visiter les préceptoreries des templiers et les commanderies des chevaliers hospitaliers, comme on les appelle[1].

  1. Les établissements des chevaliers du Temple étaient appelés préceptoreries, et le président prenait le titre de précepteur, de même que les chefs de l’ordre des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem s’appelaient commandeurs, et les lieux de leur résidence commanderies. Il paraît que ces termes étaient fréquemment employés indistinctement l’un pour l’autre. — Notre auteur se trompe : les préceptoreries des chevaliers templiers étaient de grandes divisions territoriales. Il y en avait deux, en Europe ; elles formaient chacune une lieutenance générale. Chaque grande préceptorerie comprenait un certain nombre de grands prieurés ou états politiques ; chaque grand prieuré un certain nombre de bailliages ou provinces : et chaque bailliage les commanderies ou villes qui en dépendaient. a. m.