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— Honnête juif, bonne bête, bon ver de terre, » s’écria le capitaine perdant patience, « si tu continues à vouloir mettre tes viles richesses en balance avec la vie et l’honneur de ta fille, de par le ciel ! avant qu’il soit trois jours, je te dépouille de tout ce que tu possèdes dans ce monde. »

Isaac poussa un gémissement et garda le silence.

« Et quelle garantie recevrai-je de l’exécution de vos promesses ? demanda le prieur.

— Si Isaac réussit par votre médiation, répliqua le proscrit, et qu’il ne vous paie pas la somme convenue en bel et bon argent, je jure par saint Hubert que je lui ferai rendre un tel compte qu’il préférerait payer vingt fois cette somme.

— Eh bien ! Juif, dit Aymer, puisqu’il faut que je me mêle de cette affaire, donne-moi tes tablettes. Non… arrête… J’aimerais mieux jeûner vingt-quatre heures que de faire usage de la plume d’un juif… Mais où en trouver une ?

— Si les pieux scrupules de Votre Révérence, dit le capitaine, ne vont pas jusqu’à vous interdire l’usage de l’écritoire du Juif, je vous aurai bientôt procuré une plume. »

À ces mots, bandant son arc, il décocha une flèche contre une oie sauvage qui passait au dessus de leurs têtes, garde avancée d’une phalange de ses compagnes qui dirigeaient leur vol vers les marais éloignés et solitaires d’Holderness[1]. L’oiseau vint tomber à ses pieds en tournoyant.

« Tiens, prieur, ajouta-t-il, voilà de quoi fournir de plumes tous les moines de Jorvaulx pendant cent ans, car ils ne se mêlent guère d’écrire des chroniques. »

Le prieur s’assit, et écrivit à loisir une lettre à Brian de Bois-Guilbert ; après l’avoir soigneusement cachetée, il la remit au Juif en lui disant :

« Ceci te servira de sauf-conduit jusqu’à la préceptorerie de Templestowe, et probablement, du moins je le pense, procurera la liberté de ta fille, si de ton côté tu as soin de l’appuyer d’offres avantageuses ; car, ne t’y trompe pas, notre brave chevalier de Bois-Guilbert est membre d’une confrérie qui ne fait rien pour rien.

— Maintenant, prieur, dit Locksley, je ne veux pas te retenir plus long-temps ; seulement tu vas donner au Juif une quittance de six cents couronnes, prix fixé pour ta rançon. Je l’accepte pour banquier, et si j’apprends qu’il éprouve la moindre difficulté pour

  1. Canton de l’East-Riding, dans le comté d’York. a. m.