Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/338

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et apprenez à garder le silence toutes les fois qu’à une lieue de votre repaire on parlera de la noblesse et de la chevalerie. »

Cette bravade intempestive aurait attiré sur de Bracy une volée de flèches si le chef ne s’y fût opposé avec chaleur et empressement. Locksley porta même la générosité jusqu’à permettre qu’il prît un des chevaux qu’on avait trouvés tout harnachés dans les écuries de Front-de-Bœuf, et qui n’étaient pas la partie la moins importante du butin. De Bracy, sautant légèrement en selle, partit à toute bride.

Lorsque le tumulte occasioné par cet incident fut un peu apaisé, le chef des outlaws, ôtant de son cou le superbe cor et le baudrier qu’il avait gagnés au concours pour le prix de l’arc, près d’Ashby, les présenta au chevalier Noir en lui disant : « Noble guerrier, si vous ne dédaignez pas d’accepter un cor que j’ai porté, je vous prie de conserver celui-ci comme un souvenir des exploits dont vous nous avez rendus témoins ; et si dans quelqu’une de vos entreprises, ce qui arrive parfois au plus vaillant chevalier, ou au milieu des forêts situées entre le Trent et le Tees, vous avez jamais besoin de secours, sonnez trois mots[1] sur ce cor, trois mots, wa-sa-hoa ! et il est plus que probable que vous verrez accourir des amis et des défenseurs. »

Alors, appliquant ses lèvres sur l’embouchure du cor, il répéta plusieurs fois le wa-sa-hoa, afin que le chevalier pût le bien graver dans sa mémoire.

Celui-ci lui répondit :

« Brave archer, j’accepte ce présent avec reconnaissance ; et je donne ma parole que, même dans le besoin le plus urgent, je ne chercherai pas de meilleurs défenseurs que toi et les tiens. » Il sonna du cor à son tour, et fit retentir la forêt des mêmes sons que Locksley en avait tirés.

« Parfaitement bien sonné ! » dit le chef des outlaws. « Je suis bien trompé, ou tu sais faire la guerre dans les bois aussi bien qu’en rase campagne. Oui, oui, j’en réponds, tu as été dans ton temps un joyeux chasseur de daims. Camarades, rappelez-vous ces trois mots, c’est l’appel du chevalier au cadenas ; et quiconque l’ayant entendu ne volera pas à son secours, sera chassé de notre troupe, après que nous lui aurons brisé son arc sur les épaules.

  1. Les sons que l’on faisait entendre sur le cor étaient appelés mots, dans les traités sur la chasse publiés à cette époque, et ils sont indiqués, non par des notes de musique, mais par des mots écrits.