Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/334

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armes la joie qu’ils éprouvaient de la voir remise en liberté. Elle avait repris toute la dignité de son maintien, seulement la pâleur de son visage annonçait combien elle avait souffert. Un léger nuage de tristesse couvrait son noble front, sur lequel on apercevait néanmoins un rayon d’espérance pour l’avenir, aussi bien qu’un sentiment de reconnaissance envers ceux qui avaient contribué à sa délivrance. Elle avait appris qu’Ivanhoe était en lieu de sûreté, et qu’Athelstane n’existait plus. La première de ces deux nouvelles l’avait remplie d’une joie bien sincère ; et si la seconde lui causa peu de regret, on le lui pardonnera sans doute, car elle ne pouvait rester insensible au plaisir d’être délivrée des importunités de Cedric, qui ne l’avait jamais contrariée sur aucun autre sujet que son union avec le noble thane.

Lorsqu’elle s’avança vers Locksley, le fier archer ainsi que tous ceux qui l’entouraient se levèrent, comme par un instinct naturel de courtoisie. Alors les joues de lady Rowena se colorèrent d’un vif incarnat, et faisant d’un air gracieux une profonde inclination, qui confondit un instant les tresses flottantes de ses beaux cheveux avec la crinière de son palefroi, elle témoigna en peu de mots sa reconnaissance à Locksley et à ses autres libérateurs. « Que Dieu et la sainte Vierge vous comblent de leurs bénédictions, braves archers, » dit-elle en finissant, « pour avoir si courageusement affronté de tels périls en prenant la défense des opprimés. Si jamais quelques uns d’entre vous ont faim, qu’ils se rappellent que lady Rowena a de quoi les nourrir ; s’ils ont soif, qu’elle a plus d’un tonneau de vin et de bière brune. Et si les Normands viennent vous chasser de vos retraites, n’oubliez pas que lady Rowena possède des forêts que ses braves libérateurs pourront parcourir en toute liberté, et dans lesquelles le chef de la vénerie ne s’informera pas de quelle main est partie la flèche qui a frappé un daim.

— Mille grâces, noble dame ! dit Locksley ; mille remercîments pour mes compagnons et pour moi-même ; mais vous avoir délivrée porte avec soi sa récompense. Nous faisons parfois dans nos forêts des actions qui ne sont rien moins que méritoires, mais la délivrance de lady Rowena peut leur servir d’expiation. »

Après s’être inclinée de nouveau, lady Rowena s’apprêtait à partir ; mais s’étant arrêtée un instant pendant que Cedric, qui devait l’accompagner, faisait aussi ses adieux, elle se trouva inopinément à côté du prisonnier de Bracy. Il était debout sous un arbre, plongé dans de profondes réflexions, les bras croisés sur sa poi-