encore païens. Ses longs cheveux gris flottaient sur ses épaules, sa tête était nue ; l’ivresse de la vengeance satisfaite qui brillait dans ses yeux semblait le disputer au Feu de la folie la plus délirante ; et sa main brandissait une quenouille, comme si elle eût voulu se comparer à l’une des parques qui tiennent dans leurs doigts le fil de la vie des hommes[1]. La tradition a conservé quelques unes des strophes de l’hymne barbare qu’elle chanta au milieu de cette scène de carnage et de destruction.
Aiguisez le brillant acier, enfants du Dragon blanc[2] ! Allume la torche, fille de Hengist[3] ! Ce n’est pas pour être employé au banquet que l’acier brille ; il est dur, large, et sa pointe est acérée. Ce n’est pas pour aller à la chambre nuptiale que s’allume la torche ; la vapeur qui en sort, la flamme qu’elle jette, sont colorées de bleu par le soufre dont elle est composée. Aiguisez vos poignards ; le corbeau fait entendre ses croassements ! Allumez vos torches ; Zernebock[4] remplit l’air de ses aboiements ! Aiguisez le brillant acier, fils du Dragon ! Allume ta torche, fille de Hengist !
Le sombre nuage s’abaisse sur le château du thane. L’aigle fait entendre ses cris perçants ; il plane au dessus de leurs têtes. Cesse tes cris, vorace habitant des régions élhérées ; ton banquet se prépare ! Les filles du Valhala sont attentives à cette scène ; la race de Hengist leur enverra des convives. Secouez vos tresses noires, filles du Valhala ; faites rendre a vos tambourins des sons qui expriment votre joie féroce ! Plus d’un personnage hautain, plus d’un guerrier fameux, viendront s’asseoir à votre table.
La nuit s’étend plus sombre encore sur le château du thane ; les nuages amoncelés se rassemblent à l’entour ; bientôt ils seront rouges comme le sang du vaillant guerrier ! Le destructeur des forêts hérissera contre eux sa crête enflammée. C’est lui dont la flamme brillante consume les palais ; son immense bannière, nuancée de pourpre foncé, se déploie sur la tête des valeureux combattants ; rien ne lui plaît autant que le cliquetis des épées et le choc des boucliers : il aime à s’abreuver du sang qui jaillit à gros Bouillons, et comme en sifflant, de la blessure.
- ↑ Les anciens Saxons, de même que les Grecs et ensuite les Romains, avaient confié à trois sœurs le fil de la vie humaine. Ces Nornis ou Parques s’appelaient Urda (le passé), Verdaudi (le présent), et Skulda (l’avenir). a. m.
- ↑ Dans leurs poésies nationales, les Cambriens désignaient l’étendard blanc des Saxons par le nom de Dragon blanc ; celui des Kymrys, par celui de Dragon rouge. a. m.
- ↑ C’est-à-dire Saxonne. Hengist et son frère Horsa furent les premiers Saxons qui foulèrent le sol britannique. Leur débarquement eut lieu en 449. a. m.
- ↑ Un des génies du mal, dans la mythologie scandinave. a. m.