Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/315

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des anciens Saxons, ces diables, comme les prêtres les appellent aujourd’hui, te servent de consolateurs à ton lit de mort, sur lequel Ulrique t’abandonne. Apprends cependant, si ce peut être une consolation pour toi, qu’Ulrique va partir en même temps que toi pour le royaume sombre : là elle partagera ton châtiment, comme elle a partagé tes crimes. Maintenant, parricide, adieu pour toujours ! Puisse chaque pierre de cette voûte trouver une langue pour répéter ce mot à ton oreille ! »

Elle sortit en prononçant ces dernières paroles, et Front-de-Bœuf entendit fermer la porte à double tour, puis retirer la clef de la serrure, pour lui ôter toute chance de salut. En proie au plus affreux désespoir, il appela à grands cris ses serviteurs et ses compagnons… « Étienne, Saint-Maur ! Clément, Gilles ! serai-je consumé par les flammes sans que vous veniez à mon secours ?… Brave Bois-Guilbert ! vaillant de Bracy ! au secours ! au secours ! c’est Front-de-Bœuf qui vous appelle ! c’est Front-de-Bœuf, votre allié, votre frère d’armes ! Chevaliers parjures et sans foi, l’abandonnez-vous donc ! Et vous, lâches écuyers, perfides varlets, me laisserez-vous périr aussi misérablement ?… Que toutes les malédictions dues aux traîtres tombent sur vos chiennes de têtes !… Ils ne m’entendent point, ils ne peuvent m’entendre ; ma voix se perd au milieu des clameurs des combattants. La fumée devient plus épaisse ; le feu perce à travers le plancher. Oh ! que ne puis-je respirer un instant, un seul instant, l’air pur du ciel, dussé-je être anéanti aussitôt après ! » Tombant dans le délire le plus complet du désespoir, le malheureux Front-de-Bœuf poussait son cri de guerre, ou vomissait des imprécations contre lui-même, contre le genre humain et contre le ciel. « Ah ! s’écria-t-il encore, la flamme brille à travers les nuages de fumée ; le démon marche contre moi sous la bannière de son élément. Loin d’ici, esprit immonde ! je ne dois te suivre qu’accompagné de mes camarades ; tout ce qui respire dans ce château t’appartient. Crois-tu n’avoir à emporter que le seul Reginald Front-de-Bœuf ? Non ; le templier impie, le libertin de Bracy, l’infâme, la sanguinaire Ulrique, les hommes qui m’ont aidé dans mes entreprises, les chiens de Saxons et les maudits Juifs qui sont mes prisonniers, tous, tous doivent partir avec moi. Jamais plus brillante compagnie est-elle partie pour les enfers ! » Et il poussa un éclat de rire convulsif qui retentit sous les voûtes de l’appartement. « Qui donc ose rire ici ? » cria Front-de-Bœuf d’une voix altérée ; car le bruit et le fracas du dehors n’empêchaient pas les échos de renvoyer à son oreille