Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

barbacane était désastreuse sous plus d’un rapport : c’est-à-dire que, malgré la hauteur des murs du château, les assiégés ne pouvaient voir avec la même précision qu’auparavant les opérations de l’ennemi, la porte de sortie de cet ouvrage avancé se trouvant tellement rapprochée d’un taillis, que les assiégeants pouvaient y introduire de nouvelles forces, et en aussi grand nombre qu’ils jugeraient convenable, non seulement sans danger, mais même sans être aperçus par les gens du château. Ainsi, dans l’incertitude pénible où ils étaient sur le point où commencerait l’assaut, de Bracy et son compagnon furent obligés de se tenir en garde contre tout événement possible, et leurs soldats, quelque braves qu’ils fussent, étaient en proie à l’inquiétude et au découragement, si naturels à des hommes entourés d’ennemis qui pouvaient à leur gré choisir le moment et la manière de les attaquer.

Cependant le maître du château assiégé était étendu sur son lit de mort, en proie à toutes les souffrances du corps et à toutes les angoisses de l’âme. Il n’avait pas la ressource ordinaire des dévots de ce siècle superstitieux, qui, en expiation de leurs crimes, se contentaient de faire quelque acte de libéralité envers l’Église, étouffant ainsi la voix du remords par l’idée qu’ils s’étaient rachetés de tous péchés. Quoique la tranquillité obtenue à ce prix ne ressemble pas plus à cette paix de l’âme qui suit un repentir sincère, que le lourd engourdissement produit par l’opium ne ressemble à un sommeil naturel, cette situation d’esprit était pourtant préférable encore aux remords qui assiégeaient leurs derniers instants. Mais parmi les vices de Front-de-Bœuf, homme dur et dont la main ne s’ouvrait jamais pour donner, l’avarice était le plus dominant, et il préférait braver l’Église et ses ministres que d’acheter d’eux son pardon et l’absolution de ses crimes au prix de l’or ou de ses biens. Du reste, le templier, mécréant d’une autre trempe, n’avait pas caractérisé son associé d’une manière bien juste en disant que Front-de-Bœuf n’aurait pu se rendre raison de ses motifs d’incrédulité et de mépris pour la religion établie ; car le baron aurait pu alléguer que l’Église mettait ses indulgences à trop haut prix, et que la liberté spirituelle qu’elle mettait en vente ne pouvait s’obtenir, comme celle du capitaine en chef de Jérusalem, que moyennant une forte somme : Front-de-Bœuf préférait donc nier la vertu de la médecine que de payer la visite du médecin. Mais le moment était arrivé où la terre et tous ses trésors disparaissaient graduellement devant ses yeux, et son cœur, quoique aussi