CHAPITRE XXX.
Pendant l’intervalle de repos qui suivit le premier succès des assiégeants, tandis que l’un des deux partis se préparait à poursuivre ses avantages, et l’autre à augmenter ses moyens de défense, le templier et de Bracy tinrent conseil dans la grande salle du château.
« Où est Front-de-Bœuf ? » demanda ce dernier, qui avait présidé à la défense du château, de l’autre côté : « on dit qu’il a été tué.
— Il vit encore, » répondit froidement le templier ; « mais, eût-il eu une tête de bœuf, comme son nom le porte, et dix plaques de fer pour la garantir, il aurait succombé sous le coup qu’il a reçu. Encore quelques heures, et Front-de-Bœuf aura rejoint ses ancêtres. C’est une grande perte pour les projets du prince Jean.
— Et un bénéfice assuré pour le royaume de Satan, dit de Bracy ; voilà ce que l’on gagne à blasphémer les saints et les anges, et à faire jeter leurs statues et les autres objets de vénération sur les têtes de cette canaille d’archers.
— Allons donc ! s’écria le templier, tu ne sais ce que tu dis : ta superstition ne vaut pas mieux que le manque de foi de Front-de-Bœuf. Aucun de vous n’est capable de rendre compte de ses motifs de croyance ou d’incrédulité.
— Benedicite, sire templier, répliqua de Bracy ; je vous prie de ménager un peu plus vos expressions lorsque vous parlez de moi. Par notre Mère céleste, je suis meilleur chrétien que toi et tout ton ordre ensemble ; car il court un certain bruit que le très saint ordre du temple de Sion ne nourrit pas peu d’hérétiques dans son sein, et que sire Brian de Bois-Guilbert est de ce nombre.
— Laisse là tous ces bruits, et songeons aux moyens de défendre