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Front-de-Bœuf est à la tête des assiégés ; je vois sa taille gigantesque qui s’élève au dessus de ceux qui l’entourent. Les voilà qui de nouveau se portent en foule à la brèche. On se dispute le passage corps à corps, homme à homme. Dieu de Jacob ! c’est le choc de deux fleuves qui se rencontrent, le conflit de deux océans poussés l’un contre l’autre par des vents opposés. «

Elle détourna la tête, comme ne pouvant soutenir un spectacle aussi terrible.

« Regarde de nouveau, Rébecca, » dit Ivanhoe qui se méprit sur la cause qui lui avait fait abandonner son poste ; « les archers doivent avoir cessé de lancer des flèches, puisqu’ils combattent maintenant corps à corps : regarde de nouveau ; à présent il y a moins de danger. »

Rébecca se remit derechef à la fenêtre, et presque au même instant elle s’écria : « Saints prophètes de la loi ! Front-de-Bœuf et le chevalier Noir combattent corps à corps sur la brèche, au milieu des cris de leurs soldats qui suivent des yeux tous leurs mouvements et attendent le résultat de cette lutte. Puisse le ciel faire triompher la cause de l’opprimé et du captif ! » Enfin elle poussa un grand cri, en disant : « Il est tombé ! il est tombé !

— Qui est tombé ? pour l’amour de Dieu, dis-moi celui qui est tombé.

— Le chevalier Noir, » répondit Rébecca d’une voix faible ; puis tout-à-coup elle s’écria avec le feu de la joie : « Mais non ! non !… béni soit le Dieu des armées !… il s’est relevé, et le voilà qui lutte comme si son bras avait la force de vingt guerriers. Son épée s’est brisée : il saisit la hache d’armes d’un soldat, il presse Front-de-Bœuf, il lui porte coup sur coup ; le géant se penche et chancelle comme un chêne sous la cognée d’un bûcheron. Il tombe ! il tombe !

— Qui ? Front-de-Bœuf ?

— Oui, Front-de-Bœuf ; oui, lui-même. Ses hommes d’armes se précipitent à son secours, ayant à leur tête le fier templier ; la réunion de leurs forces oblige le chevalier Noir à s’arrêter… Ils emportent Front-de-Bœuf dans l’intérieur du château.

— Les assaillants ne sont-ils pas maîtres des barrières ?

— Ils le sont, ils le sont, et ils pressent vivement les assiégés sur le mur extérieur. Ils plantent des échelles ; semblables à un essaim d’abeilles, ils cherchent à monter sur les épaules les uns des autres, On fait pleuvoir sur leurs têtes des pierres, des poutres,