Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/284

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les juifs possédaient exclusivement certains secrets que la barrière élevée entre eux et les chrétiens par la non-conformité de croyance les engageait à cacher à ces derniers avec le plus grand soin.

La belle Rébecca, parfaitement instruite dans toutes les sciences particulières à sa nation, et douée d’un esprit actif, studieux, plein de sagacité, avait retenu, combiné et perfectionné ses premières notions au delà de ce qu’on aurait pu attendre de son âge, de son sexe, et même du siècle dans lequel elle vivait. Elle les avait reçues d’une juive très avancée en âge, fille d’un des plus célèbres docteurs de la nation : cette femme avait pour Rébecca toute l’affection d’une mère, et, disait-on, lui avait communiqué tous les secrets qu’elle tenait elle-même de son père. Le sort de tant d’autres victimes du fanatisme était tombé sur Miriam, mais ses secrets n’avaient pas péri avec elle ; ils avaient été transmis à son intelligente élève.

Également distinguée par ses connaissances et par sa beauté, Rébecca était universellement révérée et admirée parmi son peuple, qui la regardait presque comme une de ces femmes privilégiées dont il est fait mention dans les livres saints. Son père lui-même, par vénération pour ses talents, mais plus encore par l’extrême affection qu’il avait pour elle, accordait à sa fille plus de liberté que n’en donnaient aux personnes de son sexe les usages de sa nation ; et, comme nous venons de le voir, il se laissait souvent guider par son opinion, même lorsqu’elle contrariait la sienne.

Quand Ivanhoe arriva à la demeure d’Isaac, il était encore sans connaissance, par suite de la grande quantité de sang qui avait coulé de sa blessure. Rébecca, après l’avoir examinée et y avoir appliqué les vulnéraires que son art lui indiquait, dit à son père que si la fièvre ne se déclarait pas, ce dont elle ne doutait nullement, vu l’abondante perte de sang, et si le baume de Miriam n’avait rien perdu de sa vertu, il n’y avait rien à craindre pour la vie du malade, et que l’on pourrait sans danger le transporter le lendemain à York, où ils devaient se rendre. Isaac ne parut pas fort satisfait de cette déclaration : sa charité se serait volontiers dispensée d’aller plus loin : laisser le blessé dans la maison qu’il habitait à Ashby, en se portant caution envers le propriétaire Israélite du paiement de tous les frais, lui paraissait déjà très généreux. Mais Rébecca s’y opposa pour plusieurs raisons dont nous ne rapporterons que les deux suivantes, car Isaac les regarda comme celles du plus grand poids. La première fut qu’elle ne consentirait jamais à