Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/272

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nous nous reverrons, je ne mérite pas quelque chose de mieux encore de ta main. » Se retournant alors vers le château, il jeta au baron son besan d’or en s’écriant : « Astucieux Normand, puisses-tu périr, toi et ton argent ! »

Front-de-Bœuf n’entendit qu’imparfaitement ces paroles ; mais le geste qui les accompagnait lui parut très suspect : « Archers, » s’écria-t-il aux sentinelles qui gardaient les murailles, « envoyez une flèche dans le froc de ce moine… Mais non, » reprit-il quand il les vit bander leurs arcs, « ce serait peut-être agir inconsidérément ; il faut nous fier à lui, à défaut de meilleur expédient. Au pis aller, ne puis-je pas traiter avec ces chiens de Saxons que je tiens ici prisonniers ? Holà ! Gilles, qu’on m’amène Cedric de Rotherwood et cet autre butor qui est avec lui, ce malotru de Coninsgburgh, qu’ils nomment Athelstane, je crois. Ces noms sont si durs pour la langue d’un chevalier normand, qu’ils laissent un goût de lard dans la bouche. Préparez-moi un flacon de vin, afin que, comme dit joyeusement le prince Jean, je puisse me la laver et me la rincer ; portez-le dans la salle d’armes, et conduisez-y les prisonniers. »

Ses ordres furent exécutés à l’instant ; et lorsqu’il entra dans cette salle gothique ornée de trophées conquis par sa valeur et par celle de son père, il trouva sur une table massive de chêne un flacon de vin, et en face de lui les deux prisonniers saxons gardés par quatre de ses gens. Front-de-Bœuf, après avoir bu une longue rasade, examina ses deux captifs. Il était très peu familiarisé avec les traits de Cedric, qu’il n’avait vu que rarement, et qui évitait soigneusement toute communication avec ses voisins normands : or il n’est pas étonnant que le soin avec lequel Wamba s’efforça de se cacher le visage avec son bonnet, le changement de costume, et l’obscurité de la salle, furent cause que Front-de-Bœuf ne s’aperçut pas que celui des prisonniers auquel il attachait le plus d’importance s’était évadé.

« Mes braves Saxons, leur dit-il, comment trouvez-vous que vous êtes traités à Torquilstone ? Savez-vous le châtiment que méritent votre outrecuidance et la conduite présomptueuse que vous avez tenue au banquet d’un prince de la maison d’Anjou ? Avez-vous oublié comment vous avez répondu à l’hospitalité que vous avez reçue du prince royal Jean, et que vous méritiez si peu ? De par Dieu et saint Denis ! si vous ne payez pas une énorme rançon, je vous ferai pendre par les pieds aux barreaux de fer de ces fenê-