Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/271

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vînt lui suggérer une réponse. Mais la nécessité est mère de l’invention, dit un vieux proverbe, et il murmura sous son capuchon quelques mots qui firent croire à Front-de-Bœuf qu’il regardait les gens qui cernaient le château comme des rebelles et des excommuniés.

« De par Dieu ! s’écria ce dernier, tu dis vrai : j’oubliais que les fripons peuvent détrousser un gros abbé saxon aussi lestement que s’il était né de l’autre côté du détroit. N’est-ce pas le prieur de Saint-Yves qu’ils lièrent à un chêne, et qu’ils forcèrent à chanter la messe tandis qu’ils vidaient ses malles et ses valises ? Mais non, de par Notre-Dame ! ce tour fut joué par Gautier de Middleton, un de nos compagnons d’armes ; mais ce furent des Saxons qui pillèrent la chapelle de Saint-Bees, et qui lui volèrent ses calices, ses chandeliers et ses ciboires ; n’est-il pas vrai ?

— Ce n’étaient pas des hommes craignant Dieu, répondit Cedric.

— Ils burent, en outre, tout le vin et la bière qui étaient en réserve pour plus d’une orgie secrète, bien que vous prétendiez, vous autres moines, n’être occupés que de vigiles, de jeûnes et de matines. Prêtre, tu dois avoir fait vœu de tirer vengeance d’un tel sacrilège.

— Oui, j’ai fait vœu de vengeance, murmura Cedric ; j’en prends à témoin saint Withold. »

Ils arrivaient en ce moment à la poterne, et, après avoir traversé le fossé sur une simple planche, ils atteignirent une petite redoute extérieure, ou barbacane, qui donnait sur la campagne par une porte de sortie bien défendue.

« Pars donc, dit Front-de-Bœuf, et, si tu remplis exactement mon message et que tu reviennes ensuite ici, tu y trouveras de la chair de Saxon à meilleur marché que ne le fut jamais la chair de porc dans les boucheries de Sheffield. Écoute encore : tu me parais un joyeux prêtre, un bon vivant ; reviens après l’assaut, et tu boiras autant de Malvoisie qu’il en faudrait pour enivrer tout un couvent.

— Assurément, nous nous reverrons, répondit Cedric.

— En attendant, prends ceci, « continua le Normand ; et au moment où Cedric franchissait le seuil de la poterne, il lui mit dans la main un besan d’or, puis il ajouta : « Souviens-toi que je t’arracherai ton froc et ta peau si tu manques de fidélité.

— Tu seras libre de faire l’un et l’autre, » répondit Cedric en s’éloignant avec joie et à grands pas de la poterne, « si, lorsque